MES PREMIERS DESSINS: D'ABORD EN HAUT À DROITE, AVEC UN STYLO QUI NE FONCTIONNAIT PAS. PUIS, À GAUCHE, LA TÊTE DE SUZANE BLAIS AVEC LE CORPS D'UN MONSIEUR.
J’ai passé ma journée de lundi (9 mars) à
l’hôpital, mais, ne vous en faites pas, rien de grave… pour l’instant. Pour
résumer, c’est en lien avec la perte de mémoire que j’ai eue début décembre en
2014. Il me semblait que ma vision s’était détériorée un peu et que je voyais plus de feux follets me danser devant les yeux.
J’en avais parlé à mon oncologue
qui m’avait obtenu ce rendez-vous avec une neuro-ophtalmologiste. Par contre, depuis,
il me semblait que, ou bien ça s'était replacé, ou que je m’étais habitué à ma
nouvelle condition. Alors, je pense que j’aurais pu m’en passer, mais, j’y ai été
quand même.
Sur le papier de l’hôpital, ils
disaient de se présenter au plus tôt, 30 minutes avant l’heure dite. Je
devais y être pour 8 :30 et j'avais rendez-vous avec la neuro-ophtalmo à 9h. Je me
disais que dans une heure, j’en aurais terminé. Avec mon oncologue, j’attends
toujours très peu (je me suis même déjà plaint de ne pas avoir le temps de
dessiner avec lui), alors, je m’attendais à la même chose ici : ERREUR!
J’aurais pu illustrer la bible, à tout le moins le Nouveau Testament, tellement
ce fut long.
Bon, je sais que vous allez me
dire qu’attendre dans un hôpital, c’est la norme, mais l’attente, c’est pour
les cas pas sérieux, alors que pour moi, en onco, on déroule presque le tapis
rouge. Ils ont du respect pour les morts-vivants, quand même! Mais,
contrairement à ce que dit l’adage, ici en ophtalmo, ce sont les aveugles qui
sont rois, alors que moi, je ne suis que semi-borgne.
Donc, j’arrive, je passe au
guichet, je laisse ma carte, j’attends, puis, 15 minutes plus tard une
infirmière vient me voir et me fait passer, tout de suite, le test habituel de
lecture des optométristes avec les grosses et petites lettres, c’est pour, dit-elle,
accélérer les choses. À ce moment-là, je suis encore optimiste. Puis nouvelle
attente, on doit venir me chercher dans la grande salle pour me faire asseoir
sur une chaise verte réservée à mon médecin (il y en a trois). C’est tellement long
que je pense qu’on m’a oublié. Un gentil bénévole me dit que c’est une journée
folle, retour du congé scolaire, 130 patients à voir etc.
J’avais commencé ma journée de
dessin en faisant des esquisses rapides, pensant que je n’aurais pas le temps
d’aller plus loin, mais là, j’ai (presque) compris que j’y étais pour un bout.
Je dis presque, c’est que, à chaque étape, alors que je pensais approcher du
but, il fallait que j’attende à nouveau. J’ai d’abord passé un test de champ
visuel sur un appareil dit, de Goldman. Une machine que la gentille infirmière a mis une demi-heure à
démarrer. Il faut l’allumer le matin en arrivant pour qu’il fonctionne, me dit-elle,
et ça n’avait pas été fait.
Cet examen, c’était pour voir les
points aveugles dans mon champ de vision, points qui ont été causés par ma
tumeur qui a brûlé des cellules quand elle était active. Je l’avais passé à la
découverte de ma maladie, il y a deux ans, mais c’était un appareil
préhistorique. Il s’agissait d’un immense globe, d’au moins trois pieds de haut,
si ma mémoire est bonne et la dame faisait ses petits dessins au prismacolor, imaginez!
À présent, c’était un appareil de
la grosseur d’un ballon de plage. Je devais regarder un cercle, avec un seul
œil, à la fois, le menton bien appuyé pour ne pas bouger. Ce cercle représentait
mon champ de vision, je fixais un point central et l’infirmière promenait des
points lumineux sur l’écran et je devais peser sur un bouton quand je l’apercevais.
Ainsi, elle savait quand je voyais quelque chose ou pas.
Après ça, nouveau délai. Puis
vers une heure, j’ai enfin eu accès au corridor et à une des chaises bénies (pour
une fois qu’être dans le corridor est une amélioration!). Il y en a trois, donc
seulement deux personnes devaient passer avant moi. Mais, si ça avait été long
avant, ça ne changea point. Vers 1 :30,
je vois, au moins, l’assistante de mon ophtalmo qui me fait passer différents
tests et me pose pleins de questions qu’elle transcrit religieusement sur son
ordi.
Puis, je vois enfin la docteure
en chef qui ne me dit…rien, finalement, car comme j’ai passé mon test précédent
à Maisonneuve-Rosemont, ils n’ont rien pour comparer. À l’autre hôpital, ils
sont encore au papier et aux crayons, alors, ils devront faire venir mon
dossier par d’antiques moyens. Ce bout de consultation avec la grande patronne
a duré sept minutes, top chrono.
Puis, la gentille assistante m’a
mis des gouttes dans les yeux pour dilater mes pupilles et m’a fait encore
attendre une demi-heure minimum, que le liquide fasse son effet. Il est
2 :30 quand je revois la douce demoiselle qui regarde avec son appareil si
la radio a endommagée mes globes oculaires, ce qui arrive fréquemment,
paraît-il. C’est bien d’apprendre ça deux ans plus tard! Mais, moi, rien, parce
que ma tumeur est loin de mes yeux. Elle est quand même fine de s’être logée
aussi loin à l’arrière de ma tête, quand même.
Je suis sorti de là à 3 :30,
finalement, mais, il faisait gros soleil et je me suis rendu compte qu’avoir les
pupilles dilatées, ça veut dire que le moindre rayon lumineux nous est
insupportable. Alors, je suis revenu chez moi à pied avec un œil fermé et
l’autre à peine ouvert et quand j’ai sorti mon chien un peu plus tard, sa balle
qui est orange, était d’un rose fluo et si je me fermais les yeux et les rouvrais,
je voyais tout en jaune ou en bleu cyan pétant. Spécial! Par contre, si j’avais
dû revenir en voiture de l’hôpital, je ne sais pas ce que j’aurais fait,
j’aurais été dangereux je pense, encore plus qu’avec mes points aveugles.
Malheureusement, la docteure m’a dit
qu’il faudrait qu’on se voit à chaque année, elle est bien cute, j’ai même fait
un rêve érotique avec elle la nuit suivante. Mais, la revoir à chaque année,
avec cette attente-là, je m’en passerais bien. La prochaine fois, j’apporterai
chevalet et pinceaux et surtout un lunch, car, comme j’étais seul, il n’était
pas question que je m’éloigne.
LA VUE PAR LA FENÊTRE SALE. IL Y AVAIT TELLEMENT DE GENS DANS LA SALLE QUE JE NE POUVAIS ME DISSIMULER DANS UN COIN POUR DESSINER QUELQU'UN.
P.S. L’une des infirmières, dont
je cacherai l’identité, m’a recommandé, secrètement, un remède miracle contre
le cancer. Elle s’en sert pour ses feux sauvages et ses ulcères, mais c’est bon
pour tout m’a-t-elle dit : il suffit de suivre le mode d’emploi pour sa
propre maladie. Je pense que c’est de l’eau très fluorée, d’après l’odeur. Elle
m’a donnée l’adresse du site, mais, je l’ai mal prise en note et je ne la
retrouve plus. Alors, si je meurs de mon cancer, je n’aurai que mon incurie à
blâmer.
D’ailleurs, parlant de
thérapeutes du n’importe quoi, il faut avoir lu l’article du Paris-Match, paru
dans le Presse, dans lequel Françoise Hardy relate les thérapies
« alternatives » qu’elle s’est infligées et qui l’ont bien plus
amochées, qu’aidées et disons qu’à la lecture de ses péripéties, je pense que
je vais me contenter de ma bonne vieille chimio. De toute façon, je ne suis pas
certain de vouloir vivre à tout prix, si ce prix est de devenir imbécile.
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mardi 17 mars 2015
PETIT RENDEZ-VOUS DEVIENDRA GRAND
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