mardi 17 mars 2015

PETIT RENDEZ-VOUS DEVIENDRA GRAND



MES PREMIERS DESSINS: D'ABORD EN HAUT À DROITE, AVEC UN STYLO QUI NE FONCTIONNAIT PAS. PUIS, À GAUCHE, LA TÊTE DE SUZANE BLAIS AVEC LE CORPS D'UN MONSIEUR.


J’ai passé ma journée de lundi (9 mars) à l’hôpital, mais, ne vous en faites pas, rien de grave… pour l’instant. Pour résumer, c’est en lien avec la perte de mémoire que j’ai eue début décembre en 2014. Il me semblait que ma vision s’était détériorée un peu et que je voyais plus de feux follets me danser devant les yeux.

J’en avais parlé à mon oncologue qui m’avait obtenu ce rendez-vous avec une neuro-ophtalmologiste. Par contre, depuis, il me semblait que, ou bien ça s'était replacé, ou que je m’étais habitué à ma nouvelle condition. Alors, je pense que j’aurais pu m’en passer, mais, j’y ai été quand même.

Sur le papier de l’hôpital, ils disaient de se présenter au plus tôt, 30 minutes avant l’heure dite. Je devais y être pour 8 :30 et j'avais rendez-vous avec la neuro-ophtalmo à 9h. Je me disais que dans une heure, j’en aurais terminé. Avec mon oncologue, j’attends toujours très peu (je me suis même déjà plaint de ne pas avoir le temps de dessiner avec lui), alors, je m’attendais à la même chose ici : ERREUR! J’aurais pu illustrer la bible, à tout le moins le Nouveau Testament, tellement ce fut long.



Bon, je sais que vous allez me dire qu’attendre dans un hôpital, c’est la norme, mais l’attente, c’est pour les cas pas sérieux, alors que pour moi, en onco, on déroule presque le tapis rouge. Ils ont du respect pour les morts-vivants, quand même! Mais, contrairement à ce que dit l’adage, ici en ophtalmo, ce sont les aveugles qui sont rois, alors que moi, je ne suis que semi-borgne.

Donc, j’arrive, je passe au guichet, je laisse ma carte, j’attends, puis, 15 minutes plus tard une infirmière vient me voir et me fait passer, tout de suite, le test habituel de lecture des optométristes avec les grosses et petites lettres, c’est pour, dit-elle, accélérer les choses. À ce moment-là, je suis encore optimiste. Puis nouvelle attente, on doit venir me chercher dans la grande salle pour me faire asseoir sur une chaise verte réservée à mon médecin (il y en a trois). C’est tellement long que je pense qu’on m’a oublié. Un gentil bénévole me dit que c’est une journée folle, retour du congé scolaire, 130 patients à voir etc.

J’avais commencé ma journée de dessin en faisant des esquisses rapides, pensant que je n’aurais pas le temps d’aller plus loin, mais là, j’ai (presque) compris que j’y étais pour un bout. Je dis presque, c’est que, à chaque étape, alors que je pensais approcher du but, il fallait que j’attende à nouveau. J’ai d’abord passé un test de champ visuel sur un appareil dit, de Goldman.  Une machine que la gentille infirmière a mis une demi-heure à démarrer. Il faut l’allumer le matin en arrivant pour qu’il fonctionne, me dit-elle, et ça n’avait pas été fait.
Cet examen, c’était pour voir les points aveugles dans mon champ de vision, points qui ont été causés par ma tumeur qui a brûlé des cellules quand elle était active. Je l’avais passé à la découverte de ma maladie, il y a deux ans, mais c’était un appareil préhistorique. Il s’agissait d’un immense globe, d’au moins trois pieds de haut, si ma mémoire est bonne et la dame faisait ses petits dessins au prismacolor, imaginez!




À présent, c’était un appareil de la grosseur d’un ballon de plage. Je devais regarder un cercle, avec un seul œil, à la fois, le menton bien appuyé pour ne pas bouger. Ce cercle représentait mon champ de vision, je fixais un point central et l’infirmière promenait des points lumineux sur l’écran et je devais peser sur un bouton quand je l’apercevais. Ainsi, elle savait quand je voyais quelque chose ou pas.

Après ça, nouveau délai. Puis vers une heure, j’ai enfin eu accès au corridor et à une des chaises bénies (pour une fois qu’être dans le corridor est une amélioration!). Il y en a trois, donc seulement deux personnes devaient passer avant moi. Mais, si ça avait été long avant, ça ne changea point.  Vers 1 :30, je vois, au moins, l’assistante de mon ophtalmo qui me fait passer différents tests et me pose pleins de questions qu’elle transcrit religieusement sur son ordi.

Puis, je vois enfin la docteure en chef qui ne me dit…rien, finalement, car comme j’ai passé mon test précédent à Maisonneuve-Rosemont, ils n’ont rien pour comparer. À l’autre hôpital, ils sont encore au papier et aux crayons, alors, ils devront faire venir mon dossier par d’antiques moyens. Ce bout de consultation avec la grande patronne a duré sept minutes, top chrono.



Puis, la gentille assistante m’a mis des gouttes dans les yeux pour dilater mes pupilles et m’a fait encore attendre une demi-heure minimum, que le liquide fasse son effet. Il est 2 :30 quand je revois la douce demoiselle qui regarde avec son appareil si la radio a endommagée mes globes oculaires, ce qui arrive fréquemment, paraît-il. C’est bien d’apprendre ça deux ans plus tard! Mais, moi, rien, parce que ma tumeur est loin de mes yeux. Elle est quand même fine de s’être logée aussi loin à l’arrière de ma tête, quand même.

Je suis sorti de là à 3 :30, finalement, mais, il faisait gros soleil et je me suis rendu compte qu’avoir les pupilles dilatées, ça veut dire que le moindre rayon lumineux nous est insupportable. Alors, je suis revenu chez moi à pied avec un œil fermé et l’autre à peine ouvert et quand j’ai sorti mon chien un peu plus tard, sa balle qui est orange, était d’un rose fluo et si je me fermais les yeux et les rouvrais, je voyais tout en jaune ou en bleu cyan pétant. Spécial! Par contre, si j’avais dû revenir en voiture de l’hôpital, je ne sais pas ce que j’aurais fait, j’aurais été dangereux je pense, encore plus qu’avec mes points aveugles.

Malheureusement, la docteure m’a dit qu’il faudrait qu’on se voit à chaque année, elle est bien cute, j’ai même fait un rêve érotique avec elle la nuit suivante. Mais, la revoir à chaque année, avec cette attente-là, je m’en passerais bien. La prochaine fois, j’apporterai chevalet et pinceaux et surtout un lunch, car, comme j’étais seul, il n’était pas question que je m’éloigne.



LA VUE PAR LA FENÊTRE SALE. IL Y AVAIT TELLEMENT DE GENS DANS LA SALLE QUE JE NE POUVAIS ME DISSIMULER DANS UN COIN POUR DESSINER QUELQU'UN.


P.S. L’une des infirmières, dont je cacherai l’identité, m’a recommandé, secrètement, un remède miracle contre le cancer. Elle s’en sert pour ses feux sauvages et ses ulcères, mais c’est bon pour tout m’a-t-elle dit : il suffit de suivre le mode d’emploi pour sa propre maladie. Je pense que c’est de l’eau très fluorée, d’après l’odeur. Elle m’a donnée l’adresse du site, mais, je l’ai mal prise en note et je ne la retrouve plus. Alors, si je meurs de mon cancer, je n’aurai que mon incurie à blâmer.

D’ailleurs, parlant de thérapeutes du n’importe quoi, il faut avoir lu l’article du Paris-Match, paru dans le Presse, dans lequel Françoise Hardy relate les thérapies « alternatives » qu’elle s’est infligées et qui l’ont bien plus amochées, qu’aidées et disons qu’à la lecture de ses péripéties, je pense que je vais me contenter de ma bonne vieille chimio. De toute façon, je ne suis pas certain de vouloir vivre à tout prix, si ce prix est de devenir imbécile.





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