MON GRAND-PÈRE ERROL ET L'ÉTERNITÉ
En ce merveilleux temps des fêtes, je me disais qu'il serait de mise de vous raconter une histoire un tantinet plus positive que ce que je vous ai raconté récemment.
Je veux vous parler du fait que je suis éternel, oui, oui, éternel et de ce fait, vous aussi. C'est quand même une bonne nouvelle, n'est ce pas?
Je ne suis plus croyant depuis longtemps et tous les ésotérismes me hérissent au plus haut point, alors la petite histoire qui m'est arrivée m'a étonné quelque peu.
Il y a de cela une trentaine d'années, je discutais de tout et de rien avec mon grand-père Errol qui devait bien avoir 80 ans à l'époque. C'était un homme simple mais qui avait une opinion sur tout. Il me racontait comment, à son époque, les prêtres régissaient la vie des gens et leurs façons de penser. On sentait encore tout le ressentiment qu'il avait contre l'église Catholique. Il conclut sa tirade anticléricale sur cette phrase: "Les fleurs ont pas besoin de demander la permission pour pousser."
Un libre penseur le Errol.
De retour chez moi, je me suis couché, je me suis endormi, mais vers trois heures du matin, je me suis réveillé en sursaut et en m'asseyant dans mon lit je me suis dit : "Je suis ÉTERNEL!"
En me levant, j'avais encore dans la tête la vision fugace de la fleur de mon grand-père.
C'est la seule fois de ma vie où j'ai eu une telle révélation. Mais en a-t-on besoin d'une autre? Fini pour moi la peur de mourir. Quand on m'a annoncé que j'allais mourir bientôt, je n'ai même pas bronché et la docteure un peu surprise de mon manque de réaction m'a dit que je devais être un analytique, alors que je suis tout sauf ça. Elle ne connaissait pas mon secret.
Par contre, il fallait quand même que je comprenne pourquoi nous étions éternels. C'est que la création, l'univers entier est éternel, mais pas de la façon dont on le pense. Quand une étoile meurt, pensez vous qu'elle se réincarne en fée des étoiles ou en chanteuse à Star Académie. Elle est composée d'atomes et ces atomes sont et seront toujours, ils se dispersent simplement dans l'univers comme ceux de l'espèce humaine dans un grand ballet cosmique.
L'homme dans son grand nombrilisme, essaie toujours de faire de lui-même un être spécial, supérieur, alors qu'il n'est qu'une infime partie d'un tout immensément grand. Si vous regardez le ciel en vous disant que vous faites partie de cet ensemble que chacun de vos atomes est le frère de tous les atomes de l'univers, vous vous sentirez immensément grand et en paix.
Il faut avoir l'humilité de comprendre que nous ne sommes rien. Tous les efforts que nous faisons pour être quelqu'un, différent, pour se dépasser, comme c'est la mode de le dire par les temps qui courent, ça ne reste qu'au niveau humain et dans quelques siècles il en restera bien peu de chose. Si vous regardez le firmament et que vous vous dites que vous êtes bien petit, vous allez passer votre vie à essayer de vous grandir, de prendre le plus de place possible et ça, c'est bien humain.
Mais, quand on vous met devant votre finitude, les perspectives changent totalement, je ne suis qu'une infime partie d'un grand tout, mais je suis ÉTERNEL, pas trop mal pour un ti-cul de Villeray.
P.S. Toute ressemblance avec les théories Bouddhistes et celle de Hubert Reeves sont tout à fait fortuites. J'ai écrit ce texte avant de me rendre compte que ça ressemblait beaucoup au Bouddhisme et c'est en écrivant sur les étoiles que je me suis rappelé du titre du livre de M. Reeves, "Poussières d'étoiles", qui expose les choses d'une façon assez semblable.
Les grands esprits se rencontrent ;-D.
D'ailleurs, si vous voulez partir une religion au nom de mon grand- père ( l'Errolisme?), ne vous gênez pas, et j'accepte les dons.
samedi 28 décembre 2013
Errol et l'éternité
samedi 21 décembre 2013
Anniversaire de ma Tumeur
L'ANNIVERSAIRE DE MA TUMEUR
C'est aujourd'hui l'anniversaire de ma tumeur, ou plutôt de sa découverte. Je ne saurai jamais quand elle est apparue, mais je sais très bien quand elle va disparaître, car je disparaîtrai en même temps qu'elle dans les flammes du four crématoire. Déjà un an, ça signifie que selon mon premier médecin il ne me reste qu'un an à vivre et selon mon dernier médecin, trois.
J'ai demandé à mon oncologue combien de temps il me restait à vivre il y a huit mois, réponse: deux à quatre ans. Je le lui redemandé récemment même réponse. Alors, je me dis que si je lui repose la question dans quatre ans il va peut être me dire dans deux à quatre ans. Ça vaut la peine d'essayer en tout cas.
Ce qui me fait douter de son verdict, c'est qu'après m'avoir dit les chiffres il fait un drôle de bruit d'expiration, assez sonore et surprenant, comme s'il se dégonflait subitement et il m'a fait ça à deux occasions. J'ai un peu l'impression qu'il dit la même chose à tous ses patients, comme pour s'en sortir, même s'il ne peut être sûr de rien.
Moi, si j'étais à sa place je dirais: "Quand tu seras sur le point de mourir je te le dirai combien de temps il te restais à vivre. En attendant j'essaie de te garder en vie "faque achales moi pus" avec ces questions de prédiction. Quant à moi, tu serais mieux d'aller te faire lire les lignes de la main".
Mais, c'est un très bon médecin plein d'empathie, calme et pondéré, il ne me dirait jamais une telle chose alors, disons que j'espère que c'est comme un bail et que c'est renouvelable.
Pour l'instant, je me sens bien dans mon corps, même plus en forme que jamais puisque à cause ou grâce à certains changements dans ma vie, j'ai maintenant un chien à moi tout seul et à temps plein que je dois sortir deux fois par jour. J'habite maintenant au troisième étage, alors plus question que je lui ouvre la porte pour qu'il aille faire ses besoins.
Même par moins mille degrés, je dois m'habiller et affronter les éléments. Après me les être gelées quelques fois, je sais enfin comment m'habiller selon la température et je n'ai jamais autant consulté la météo.
C'est dans la tête que ça va moins bien. Je devais mourir, mais rien à faire ça ne vient pas, alors je me retrouve au milieu du (presque) vide sidéral que j'ai créé dans ma vie. J'ai du temps, mais en dehors des sorties avec pitou, je ne sais pas quoi en faire de ce temps.
C'est quand même cocasse, depuis qu'on m'a dit qu'il me restait peu de temps, je n'ai jamais trouvé le temps aussi long.
C'est difficile de commencer, d'initier quelque chose en sachant qu'il y aura des points de suspension à plus ou moins brève échéance. Quand je pense que j'ai dit dans un de mes premiers textes que je me sentais libéré du poids de la vie. Je disais même que le temps était élastique, mais je peux vous dire que l'élastique m'a "pété dans la face".
Bon, sur ce je vous laisse, j'ai rendez-vous chez ma psy.
Mais non c'est une blague, en fait j'en ai consulté une, mais ma conclusion, après trois séances fut que je trouve toujours ma rédemption dans la création: dessiner, chanter, écrire. Alors de là ce blogue que je reprends aujourd'hui, bien plus pour moi que pour vous, je m'en excuse.
Finalement, j'ai un jeu à vous proposer. Vous prenez la photo de mon crâne vous l'imprimez à un format un peu plus grand, vous l'affichez sur un mur. Puis, vous prenez une push pin que vous essayez de planter dans ma tumeur avec les yeux bandés,bien sûr.Comme le jeu de l'âne quoi! Ça ferait un peu vaudou aussi et peut être que ça aiderait à ce qu'elle se tienne tranquille
Ceci dit je ne sais pas moi-même où elle est ma tumeur. À chaque fois qu'ils me la montrent, j'oublie, c'est tellement tout pareil.
Pour conclure, en ces pages, je vous raconterai mon "anus horibilis" en voici un exemple:
En me réveillant ce matin, je me suis dit "Hey, il me semble que ça fait un bout qu'il ne m'est pas arrivé de malheur". Tout joyeux je me penche vers mon chien pour l'embrasser sur la tête, mais elle, surprise par cet élan improvisé, relève la tête subitement en me frappant le menton. Résultat, une "babine" fendue.
vendredi 12 avril 2013
Toujours vivant
TOUJOURS VIVANT
Comme le chantait ce mort bien connu, ce bon vieux Gerry, je suis toujours vivant.
Dans le deuxième texte de ce blogue, je vous disais que j'avais trouvé sur internet bien peu d'articles sur la mort et j'ai compris pourquoi aujourd'hui. Quand on est malade on a juste pas le goût d'écrire, ça ne prend pas la tête à Cousineau pour penser à ça. Au tout début, lors de l'annonce, j'étais trop bien portant pour m'en rendre compte, c'est depuis que je me fais soigner que je suis malade, contradictoire, mais c'est pour m'aider à plus longue échéance, on espère.
Comme le chantait ce mort bien connu, ce bon vieux Gerry, je suis toujours vivant.
Dans le deuxième texte de ce blogue, je vous disais que j'avais trouvé sur internet bien peu d'articles sur la mort et j'ai compris pourquoi aujourd'hui. Quand on est malade on a juste pas le goût d'écrire, ça ne prend pas la tête à Cousineau pour penser à ça. Au tout début, lors de l'annonce, j'étais trop bien portant pour m'en rendre compte, c'est depuis que je me fais soigner que je suis malade, contradictoire, mais c'est pour m'aider à plus longue échéance, on espère.
De là ce long hiatus, mais c'est aussi qu'après ma grosse fatigue et mes nausées (voir l'article suivant) j'ai un peu perdu le l'impulsion d'écrire, je commençais mais ne finissais pas. En voici un que j'ai écrit il y a presqu'un mois.
CE QUE VOUS VOYEZ AU BAS DE L'IMAGE, C'EST LE MASQUE QU'ON ME MET SUR LA TÊTE ET QU'ON FIXE À L'APPAREIL DE RADIATIONS POUR ÊTRE BIEN CERTAIN QU'ILS VISENT À LA BONNE PLACE. |
LA NAUSÉE
J'ai illustré la page couverture de "La Peste de Camus" aux éditions "CEC" il y a quelques mois, mais pas "La Nausée". La nausée, c'est moi qui l'ai eu. Tout ceux qui ont eu de la chimio savent ce que c'est j'imagine. La mienne a commencé peu après le début de ma radio/chimio. Elle était légère mais constante. Je n'avais jamais faim, ce n'est que quand le nourriture était dans ma bouche que j'en appréciais un peu le goût, mais j'avais beaucoup moins d'appétit.
Le pire c'est qu'elle me rendait tout absolument répugnant. Tout ce que je faisais ou touchait avec la nausée associait immédiatement l'objet ou l'action à cette nausée. Par exemple, écrire ce blogue. J'ai bien commencé quelques articles, mais je ne pouvais plus y retourner par après, c'était la nausée instantanée. Méme chose pour mon petit somme de l'après-midi. Depuis le début, je m'étendais sur le canapé dans le salon, j'étais bien, confortable, presque heureux. Puis, rein à faire, il a fallu que je passe par tous les lits et sofas de la maison. Pénible!
Si je parle au passé, c'est qu'on m' a remis sur le Décadron (la cortisone) parce que mon cerveau enflait. Moi qui suis pourtant si humble. Alors, j'ai retrouvé appétit et énergie, mais la bouffissure de la face qui vient avec devrait apparaitre bientôt et tous les dommages que ça fait à mes glandes surrénales. On ne peut pas tout avoir.
Et me voilà aussi redevenu un oiseau de nuit. J'ai recommencé à ne dormir que 5 ou 6 heures par nuit, alors je me remets à écrire.
Pour en revenir au Décadron, J'adore son nom, il me fait penser à celui de Goldorac, ce robot, personnage de BD japonaise des années soixant-dix que mon petit frère écoutait. Le Décadron semble être de la même trempe que Goldorac. Il semble être LE médicament miracle pour traiter de nombreuse maladies, sauf que je trouve étrange qu'on ne puisse pas le doser mieux et qu'il me donne juste un peu plus d'énergie, mais pas trop comme en ce moment. Après avoir vécu le retrait et la chute la première fois, j'appréhende beaucoup le retour du boomerang. J'espère qu'ils me feront ça plus en douceur.
J'ai d'ailleurs rencontré ma douce docteur Li la semaine dernière qui m' a dit qu'elle travaillait avec une compagnie pharmaceutique en ce moment pour trouver un médicament qui règlerait ces problèmes.
UNE PETITE MORT
Dans la série de mes malheurs il y a un autre dont je ne vous ai pas parlé et que je qualifierais de petite mort, pour rester dans le thème. Vers la fin de janvier, alors que j'avais presque vingt-cinq textes d'écrits, je les ai tous jetés à la poubelle. Sur l'application Notes des Ipad, vous avez le choix entre garder les textes ou les envoyer par Gmail. J'ai cliqué sur Gmail pour voir et tous mes écrits y ont été envoyés. Mais, comme je ne voulais pas ça, je les ai tous jetés à la poubelle et, moi qui ne suis jamais si propre et organisé que ça, j'ai vidé la poubelle sans savoir qu'il n'y en avait plus de copies nulle part.
Enfer et damnation, dur coup à cinq heures du matin. Je suis resté bouche-bée quinze minutes, puis, vive le Décadron, je me suis remis à écrire immédiatement en essayant de me rappeler tout ce que j'avais perdu.
lundi 4 mars 2013
Ici et maintenant
LA MAGNIFIQUE INCISION SUR LE CÔTÉ DE MA TÊTE |
ICI ET MAINTENANT
Je vous soumets beaucoup de textes qui parlent des
débuts de mon aventure dans le merveilleux monde de la maladie. Je peux vous
dire que c’est un travail à temps plein, juste essayer de survivre est plutôt
difficile ces temps ci.
Depuis que le docteur Li m'a coupé le Décadron le 8
février dernier, j'ai vécu une sorte de descente aux enfers. Alors que je
dormais 4 heures par nuit, avec la cortisone, voilà que c’était l’inverse 20
heures de dodo un peu enfiévré par jour.
J'avais à peine assez d'énergie pour me lever de
mon lit et me coucher ailleurs. Dur, dur, je n'ai jamais connu ça, sauf bien
sûr quand j'étais malade, grippé ou un truc du genre. Mais après quelques
jours, il finissait par y avoir amélioration. Là, rien, en fait non, il y avait
parfois amélioration, mais à chaque fois c'était une illusion. Je retombais
plus bas le lendemain.
Parfois je me demandais, si ce n'était pas dans me
tête, à chaque fois que j'avais un rendez-vous à l'hôpital je me sentais bien,
ce n'est qu'au retour que je retombais dans ma léthargie et que je n'en sortais
plus. Ça me prenait une heure ou deux pour aller du point A au point B, juste
trouver la force. Je passais tout mon temps à me dire, bon c'est maintenant,
bon c'est maintenant, mais ce n'était jamais maintenant, je n’en avais jamais
la force. C'était très pénible pour quelqu'un d'aussi dynamique que moi. Si
c'est un prélude à ce qui m'attend, ça va être plate en chien.
Par contre, à part que je voulais mourir tout de
suite, le moral était bon, je sais
que c'est un peu contradictoire, mais je n'essaie pas de comprendre.
Le 14 février, j'ai rencontré le docteur Lessard,
mon docteur « radio ». Elle est très sérieuse et vous regarde avec un
air un peu contrit, comme si elle se sentait coupable à la pensée qu'elle va
vous faire souffrir. On m'a fait un masque, un moulage de mon visage avec des
marques pour être certain qu'on vise au bon endroit dans mon cerveau. Je
n'aimerais pas qu'ils manquent leur coup.
Aujourd'hui, 4 mars, ça va mieux, c'est pour ça que
je me remets sur mon blogue. Sauf que je commence la radio demain. J’aurai le
droit à une dose par jour pendant 30 jours. Heureusement on fait relâche le
week-end. Je prendrai aussi la chimio en pilule et ça va couter la modique
somme de 9000$ à ma compagnie d’assuranc
En passant, quand j'ai vu le docteur Li, la
dernière fois, j'en étais à 2 ans de survie parce que j'avais un astrocytome,
le pire, celui qui est en forme d'étoile. Par contre, quand j'ai rencontré le
docteur Bélanger, celui qui s'occupe de ma chimio voilà que je montais à 4 à 6
ans.
C'est à ce moment là que je me suis demandé si on
ne pouvait pas soudoyer les médecins, leur glisser une petite enveloppe brune,
pour gagner quelques années, voire pour effacer un dossier totalement, faire comme
si ma tumeur n'avait jamais existé.
P.S. Un gros merci à ceux qui m'ont écrit en
réponse à mes premiers textes. Vous lire m'a fait le plus grand bien.
MON VISAGE GONFLÉ AU DÉCADRON. |
jeudi 28 février 2013
Ma mort version 1 (4 janvier 2013)
Lors de ma première rencontre avec ma douce docteure Li et après qu'elle m'eût annoncée qu'il ne me restait que de 2 à 10 ans à vivre, elle m'a dit qu'elle devait me faire une biopsie au cerveau et si j'ai bien compris, dans mon cas par aspiration.
En bon illustrateur que je suis, je l'imaginais une paille entre les dents en train d'aspirer mon cerveau comme un milk shake. Mais, c'est d'une seringue-aiguille qu'elle se servira, grand bien me fasse.
Elle m'a dit encore que selon les statistiques, j'avais une chance sur cent d'en mourir. Ça peut sembler beaucoup ou très peu. Je m'imaginais à Ho Chi Minh ville au Vietnam, là où la circulation ne s'arrête jamais et je me voyais traverser la rue en valsant entre mobylettes et motocyclettes avec un petit carnet que je cocherais, un, deux, trois... En sachant qu'avant que j'arrive à cent je me ferais happé par le seul camion qui passerait par là parce qu'il aurait été sur mon côté aveugle.
Du même souffle elle m'a dit que vu qu'elle allait jouer dans mon cerveau, il y avait quatorze pour cent de chances que j'en sorte, au pire légume, au mieux avec des crises d'épilepsie ou de plus lourdes pertes de mémoire ou des pertes d'équilibre, des étourdissements ou un changement de personnalité, genre que je deviendrais fin avec ma blonde, tout à coup.
Toutes des perspectives pas très souriante sauf la dernière, peut être.
Rassurez-vous, j'ai survécu à la biopsie et je suis encore en état de
fonctionner, même si pour mon docteur je suis bien chanceux.
Je décidai donc avant l'opération, de faire mes adieux à la terre, quand
vous aurez lu l'article sur mon grand-père Errol, vous comprendrez que je
suis éternel et que de ce fait, la mort ne me fait pas peur. En fait cette
première mort fut un des plus beaux moments de ma vie.
Je suis étrangement conçu, autant le quotidien peut me stresser, faire un
appel téléphonique, rencontrer un inconnu...autant me faire dire que
j'allais mourir ne m'a jamais perturbé, ça m'a même réjoui.
Je devais me faire opérer le 4 janvier. Alors après l'annonce du 21
décembre, j'ai eu quelques jours de liberté et de bonheur et j'en ai profité
intensément pour voir les gens que j'aime et surtout ne faire que ce qui me
plaisait en ce merveilleux temps des fêtes qui pour moi est la pire période
de l'année. Je pense que je souffre beaucoup qu'on me sorte de mon
quotidien, sauf pour les voyages bien sûr.
Donc, le bonheur: je me revois avec mes enfants et ma blonde sur la rue
Saint-Denis à siroter un café en mangeant un énorme gâteau aux carottes chez
les Deux Marie (ou sont-elles Trois) enfin, c'était meilleur que jamais.
Donc beau temps des fêtes, sauf que comme tout le monde, je poigne la
grippe, en fait un rhume que je traînerai fort longtemps.
Le trois au matin, je me présente avec ma petite valise (à jeun?) et je
passe la journée dans ma chambre avec Gary, mon voisin tatoué de pied en cap
en bon soldat du crime qu'il fût naguère (c'est lui qui me l'a dit). Ce
pauvre homme que je trouvai par ailleurs très serein, est ici cloué à son
lit, depuis 2 mois. Il a une tumeur près de la moelle épinière qui le fait
souffrir toujours et qui l'empêche de prendre une quelconque autre position
que sur le dos. Il a des tumeurs récurrentes qu'il se fait enlever, mais là
c'est plus délicat à cause de sa proximité avec ce point névralgique du
corps. Ses médecins ne semblent pas savoir quoi faire avec lui.
En fin d'après midi, je saute le souper officiel pour un examen quelconque
et à mon retour on me sert ce qui semble être un repas de diabétique. Ça
semble la seule chose qu'ils aient pu trouver dans tout l'hopital. C'est une
omelette et une soupe qui goûte encore "plusse" rien que ce que la bouffe
d'hôpital peut goûter en temps normal, faut le faire.
Je demande à ma blonde mes dernières volontés culinaires, ce sera simplement
quelques tranches de mon pain au levain que je fais moi même et un peu de
Zurigo, un délicieux fromage québécois. Elle va m'apporter mon pain, mais du
Oka à la place du Zurigo, parce qu'il pue, supposément. Bien sûr elle m'a
apporté des tonnes d'autres choses, généreuse comme elle est.
Une fois dans mon lit, j'étais tout à fait heureux, détendu, en paix. Alors,
je me suis mis à penser à ce que j'aimais le plus manger, je ne sais pas
pourquoi. En tête du palmarès venaient huîtres et citron avec une bonne
bière belge et tout de suite après un bon Bordeau avec de bons fromages,
puis des rouleaux du printemps, mais faits par moi-même, tout croches, mais
bien farcis et des sashimis et j'ai continué la liste comme ça en me
délectant intérieurement.
Puis, j'ai pensé à tous ces fabuleux voyages que j'ai pu faire, en en
revivant quelques-uns dans ma tête, comme dans un rêve. Quand mon fils était
bébé et que je devais lui donner sa bouteille à trois heures du matin je
faisais ce même exercice. Je prenais un voyage en particulier et je le
refaisais au complet en suivant l'itinéraire et c'était vraiment comme si
j'y étais avec en plus mon fils dans mes bras et mon gros chien à mes pieds,
le bonheur total.
Jamais une pensée négative n'a traversé mon esprit, je ne me forçais même
pas à être positif, ça me venait tout seul. Puis sont venus ma famille, mes
amies et amis et je me suis endormi heureux d'une si belle vie.
Le lendemain matin, je me suis rendu moi-même à la salle d'op, sauf que
j'avais tellement peur de geler que j'avais gardé mes survêtements qu'on m'a
obligé à enlever pour ne garder que la magnifique jaquette.
Je ne sais pas si vous vous êtes déjà fait anesthésier, moi c'était la
deuxième fois et c'est assez spécial. Ils vous entrent dans la salle, vous
disent bonjour et une seconde après vous n'êtes plus là, comme si vous
cessiez d'exister. Ils pourraient vous charcuter, vous couper les deux
jambes, vous greffer la tête de Jean Charest, vous ne vous en rendriez même
pas compte.
Moi, le docteur Li m'a simplement fait une jolie courbe du côté gauche,
derrière la tête avec de forts belles et grosses agrafes. Dans la douleur,
je ne me suis rendu qu'à trois sur dix, donc même pas besoin de petites
pilules. Je devais rester étendu avec un tube dans le moineau et des
jambières gonflables autour de jambes. Le plus pénible dans tout ça, ça été
mon infirmière qui tenait absolument à ce que je lui fasse un litre de pipi
avant de partir pour être certain que tout fonctionnait. Elle m'a laissé
partir après deux petits essais insatisfaisants, le regard plein de
reproches.
Dessins-salle d'attente 2
SALLE D'ATTENTE 2
Maria Ballara. C'est ma première fois, vous m'appelez par mon nom? |
J'ai rendez-vous avec un néphrologue, je sors de Fleury. |
Lucette Bissonnette sous sa couverte. |
On s'en va tu chez nous? J'ai été m'assir la t'su, c'est chaud. J'espère qu'on attendra pas icitte toute la journée, calique |
lundi 11 février 2013
L'annonce de ma maladie
L'ANNONCE FAITE À NORMAND
(Ce texte est une version allongée et détaillée et différente aussi du premier, il y a des
redondances, mais aussi beaucoup de détails de plus)
J'ai cherché sur internet des articles sur la mort ou bien des articles de
gens qui comme moi font face à la mort et j'ai trouvé bien peu de choses.
J'imagine qu'on aime mieux parler de la vie et de ses chats.
Personnellement j'en ai trois dont un assis dans la bergère devant moi et
qui me regarde nonchalamment écrire ceci. J'ai décidé personnellement d'en
parler, pas de mon chat, mais de la mort. La mort est un sujet qui m'a
toujours fasciné en tant qu'illustrateur, les images du crâne, du squelette
et les nombreuses façons qu'on a trouvé, surtout au Moyen-âge, de
représenter la mort et son cortège de symboles sont fascinants, on n'a qu'à
penser à Jérôme Bosch.
Et puis la mort dure un tantinet plus longtemps que la vie, mais on l'ignore
ou bien on n'en parle que quand quelqu'un est malade ou en fin de vie, comme
on dit, pour ne pas dire le mot maudit: "MOURIR". On a même peur du mot,
c'est vous dire à quel point il nous terrorise.
Personnellement, j'ai décidé d'en parler, vous lirez ou pas, c'est votre
choix, mais la présence de la "grande faucheuse"(Quel image fabuleuse)
devant moi me fait penser à des choses un peu différentes de ce à quoi je
pensais auparavant et je croyais que vous aimeriez peut-être avoir un avant
goût de ce qui vous attend. Quoique on est tous bien diffèrents, comme nos
morts le seront, bien évidemment.
Ma petite maladie à moi s'appelle "oligodendro
gangliome".(http://gfme.free.fr/maladie/oligodendro.html)
C'est une maladie, en fait une tumeur qui progresse fort lentement,
tellement que je savais depuis longtemps que j'avais des problèmes entre
autres de visions et de mémoire que j'attribuais simplement à l'âge. J'avais
beaucoup de difficultés à lire, les mots étaient charcutés, comme si je
souffrais de dyslexie, alors plutôt que de consulter, je lisais de moins en
moins en me disant que j'irais voir mon optométriste un jour,
éventuellement.
Pour ce qui est de la mémoire, je trouvais ça presque normal, mon meilleur
ami qui à mon âge (59) venait d'aller consulter sur le sujet, alors je ne
m'en faisais pas trop. Mais, les blocages se faisaient de plus en plus
fréquents. Je travaille sur Photoshop depuis plus de 15 ans et un jour, j'ai
voulu trouvé le mot, mais je n'avais rien sauf la première lettre, après ça,
le néant et je n'ai jamais réussi à le trouver. D'ailleurs, j'observe deux
faits étranges, d'abord que j'ai souvent la première lettre d'un mot mais
pas le reste et puis que ce avec quoi j'ai le plus de difficultés, ce sont
les épices et les fines herbes dont j'oublie le nom, bizarre.
Le pire, les chiffres, je devais me promener avec un petit papier en disant
que je venais de déménager parce que je ne me souvenais plus de mon propre
numéro de téléphone et il y avait aussi le système d'alarme que j'ai
déclenché à maintes reprises.
Vous avez peut-être remarqué que je parle au passé, c'est que mon bon
docteur m'a administré de fortes doses de, de quoi déjà? Ah oui, il faut que
je pense à Cortez, le conquistador espagnol, donc de la Cortisone à très
fortes doses qui est un anti-inflammatoire puissant et qui réduit ma tumeur
et ses effets pervers, mais qui me rend également insomniaque. J'écris ceci
à 4 heures du matin, mais j'adore, je me prends pour Balzac.
J'allais enseigner en janvier à l'université Laval et je me suis dit qu'un
prof d'illustration qui a des problèmes de visions ce n'est pas l'idéal. Par
contre, je n'avais aucune difficulté à travailler mes images sur mon ordi ou
en vrai, mais c'est que pour l'instant, ce sont mes bâtonnets, ma vision
périphérique et non mes cônes, au centre, qui sont affectés.
Donc, le 21 décembre, j'ai été voir une optométriste, une vieille
connaissance à moi. Elle a tout de suite vu que j'avais à peu près perdu la
moitié de ma vision du côté droit de mon oeil droit et un peu moins de mon
oeil gauche. En fait, je ne vois que de petites lumières. Si je mets ma main
à ma droite, je ne peux pas compter mes doigts.
Efficace, elle a appelé immédiatement â l'hôpital Maisonneuve-Rosemont et
chance inouïe, elle m'a obtenu un rendez-vous immédiatement, merci Danielle.
Là, après un peu d'attente, quand même, je me suis collé l'oeil sur une
énorme demi sphère. Les dames pointaient à l'intérieur et je devais dire si
je voyais le point noir qu'elle promenait sur la bulle. Je dis les dames
parce que comme c'était le changement de quart de travail j'ai eu droit à
une personne différente pour chaque oeil. Ensuite elles faisaient un petit
dessin au prismacolor. J'aurais bien aimé les aider, je trouvais
personnellement que ça manquait de contraste.
Avec ma petite feuille on m'a envoyé chez les ophtalmologistes où après
examen, on a constaté que ce n'était pas mes yeux, mais quelque chose dans
mon cerveau.
Comme j'avais été admis à l'urgence, j'avais déjà un petit lit dans le
corridor et en bon extra-terrestre que je suis, j'ai adoré. Depuis le temps
que j'en entendais parler. À choisir entre aller faire du rafting et coucher
dans un corridor d'hôpital, je choisirais définitivement le corridor. Il y a
tellement à voir et à observer.
Par contre, je dois souligner que je ne souffrais pas, pas encore. Alors,
peut être que je choisirais le rafting plutôt que des pierres au rein ou une
pneumonie, par exemple. Le plus cocasse, si je puis dire, c'est que cette
maladie que j'ai, va peut être me tuer plus vite, moi qui ai l'air si bien
que tous ces gens qui attendaient là qu'on les soigne.
Pour en revenir au corridor, j'avais à côté de moi un vieux pervers
irlandais dont je n'ai jamais vu le visage. Deux policiers le surveillaient
et ils avertissaient les infirmières venues le soigner que c'était un
dangereux maniaque sexuel. Mon vis à vis était un vieux monsieur italien
contagieux, il paraît et que je croyais mort tellement il ne bougeait pas.
J'ai passé une fort belle nuit (vive les bouchons), sauf que je me faisais
souvent réveiller par un infirmier qui venait prendre pression et
température. Aussi, vu que j'avais dit que je perdais la mémoire, on croyait
que j'avais fait un ACV, alors il me demandait qui j'étais et où j'étais,
tout en me faisant pousser avec mes pieds.
Comme je n'ai jamais été capable de me rappeler du nom de ce foutu hôpital,
que j'appelle toujours Hochelaga-Maisonneuve ou rien du tout parce que je ne
m'en souviens plus ou Georges-Laraque parce que je trouve qu'il mérite bien
d'avoir un hôpital à son nom, j'avais toujours l'air un peu fou.
Le lendemain, j'ai vu un premier spécialiste du cerveau, un neurologue, qui
m'a demandé ce que je faisais là puisque j'avais l'air super bien. J'imagine
que ça voulait dire que j'aurais dû passer par un autre chemin que l'urgence
pour le voir, mais j'imagine aussi que c'aurait été un tantinet plus long.
J'ai raconté ma vie une nouvelle fois et on m' a envoyé dans le grand tunnel
blanc qui fait toc toc pour voir à l'intérieur de mon corps. Je pense que le
vrai nom est "tomodensitomètre".
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais comme on a beaucoup de chances
de mourir d'un cancer quelconque, on essaie d'imaginer lequel sera le nôtre.
Alors aussitôt qu'on a une petite douleur dans cette région, on est sûr que
ça y est. Moi, c'était les intestins. J'ai été constipé longtemps à mon
époque plus steak-patates, alors j'étais certain que ce serait ça ou bien
les poumons parce que j'ai fait plein de pneumonie quand j'étais jeune.
Aujourd'hui, je suis rassuré, à part la tumeur au cerveau, je suis très bien
portant, ce qui veut dire que je serai probablement légume plus longtemps
qu'une personne en moins bonne condition physique. Réjouissant!
Je suis resté jusqu'au dîner, je ne voulais pas manquer ça, puis je suis
rentré chez moi. J'avais maintenant rendez-vous avec le docteur Li, une
neurochirurgienne, ceux qui joue dans votre cerveau. J'étais rendu au sommet
de la chaîne des traitements. Personnellement j'aurais préféré que ce soit
simplement mes yeux, c'est un peu moins mortel, mais bon je vais vivre avec,
c'est le cas de le dire.
Quelques jours plus tard, je rencontre le docteur Li, un gentil bout de
femme positive et dynamique qui comme bien des orientaux aura toujours l'air
jeune. Elle m'emmène dans un petit bureau au bout du corridor des malades.
Et là elle m'annonce sans réserve que j'ai une tumeur au cerveau
(oligodendro gangliome) et que j'en ai pour deux, cinq ou dix ans, c'est
selon la sorte et ça on le saura après la biopsie. Elle me montre les
résultats du scan et ma tumeur entourée des calcifications. Je n'ai jamais
bien compris où elle était, elle déroulait ses images à la vitesse de
l'éclair. Tout ce que j'ai retenu, c'est que j'ai l'air d'une vieille poule
sur les images.
À ce moment là, j'ai gardé mon sang-froid, mais maintenant que je vous le
raconte, ça me fait un peu bizarre. Se faire annoncer comme ça, de but en
blanc, que sa vie sera écourtée de dix ou vingt ans ce n'est pas rien. Bien
sûr, j'y vois de bon côtés, pas de Résidences Soleil pour moi, pas de bingos
ou de parties de cartes, ni de longue dégénérescence. On me fait ça "short
and sweet" docteur?
Les seules fois où je pleure, un peu, c'est en pensant à mon chat préféré ou
bien en écoutant de la musique, je ne sais pas pourquoi. L'autre jour, j'ai
entendu une pièce de Philip Glass jouée par Angèle Dubeau et ça m'a mis
complètement à l'envers. Sauf que ce n'est pas triste, c'est juste intense
et très libérateur.
En fait les seules fois où j'ai vraiment pleuré dans ma vie, c'est pour la
mort de mes chiens et pour Sylvie quand elle m'a laissé sauf que quand elle
est revenue, je me suis demandé pourquoi j'avais tant pleuré. Alors pour la
mort c'est peut être pareil, on pleure et on s'apitoie sur soi-même pour se
rendre compte finalement une fois que c'est fait, qu'on est bien mieux de
l'autre bord, surtout si on est assis à la droite du père avec quelques
vierges qui vous jouent de la harpe.
jeudi 7 février 2013
Lettre à mes parents et amis et quelques autres en passant
À chanter sur l'air de la chanson de Renée Martel
"J'ai une tumeur qui veut me faire mourir. Et c'est ma raison d'aimer la vie.
Depuis le jour où je l'ai appris. J'ai une tumeur qui veut me faire mourir."
Depuis quelques temps, j'avais de légères pertes de mémoire, il m'est même
arrivé d'oublier le mot "Faceboo", imaginez. J'avais aussi des problèmes de
vision, j'avais de plus en plus de difficultés à lire, comme si les mots
étaient charcutés, hachés. Je devais relire chaque bout de phrase deux fois pour être certain de son sens.
Je mettais ça sur le compte de l'âge, je vais avoir soixante ans bientôt,
mais j'ai décidé, tout de même de consulter une amie optométriste qui m'a
envoyé directement à l'hôpital.
C'est là, le 21 décembre que j'ai appris du docteur Marie Li que j'avais une
tumeur au cerveau, pas cancéreuse, pas maligne, mais du genre qui progresse,
lentement mais sûrement et vous envahit le cerveau. Elle est là depuis fort
longtemps semble-t-il, un peu paresseuse, mais elle va tout de même finir
par avoir le dessus d'ici quelques années. Les pronostics vont de deux à dix
ans.
S'il faut chercher le traumatisme qui l'a causé, c'est peut être quand Alain
Duval m'a rentré dans ma case au secondaire. Duval qui me volait aussi mes
sandwichs et mon argent de poche, les rares fois que j'en avais, pour
s'acheter un Mae West avec, alors que moi je ne me le serais jamais permis.
Blague à part, croyez le ou non, ce fut une bonne nouvelle pour moi, comme
si on me libérait du poids de la vie, du quotidien, de la lourdeur des
petites choses . Je n'ai jamais été aussi heureux. Une libération!
J'ai appelé tous mes clients, fini, je ne travaille plus. J'ai un peu
d'argent de coté, je n'en avais certainement pas assez pour me rendre à 90
ans, mais 70, ça devrait aller et puis l'état va payer la note pour la
grande scène finale quand je serai aveugle, débile et sans mémoire.
Vous connaissez la fameuse question qu'on se pose parfois pour alimenter la
conversation : "S'il te restait cinq ou dix ans à vivre que ferais-tu? Et
bien moi je sais la réponse: RIEN! Surtout pas de croisière, ça me tuerait
encore plus vite.
Depuis l'annonce, c'est comme si le temps n'existait plus. J'aurais cru le
contraire, mais c'est comme si tout à coup il devenait élastique, ou même
s'il n'existait plus du tout. Je peux prendre le temps que je veux pour
faire chaque petite chose. J'ai fait une recette de biscuit, l'autre nuit
(la cortisone me rend insomniaque) et en temps normal j'aurais essayé de la
faire à toute vitesse, en pensant que j'avais bien autre chose à faire que
ça, mais à ce moment précis, c'était LA chose la plus importante et
j'accordais à chaque geste le temps nécessaire.
J'ai toujours admiré mon chat pour ça. S'il attend dehors que je le fasse
entrer dans la maison, cinq minutes ou une heure, pour lui ça semble pareil.
Il n'entrera pas en disant "Hey chose, t'aurais pu m'ouvrir avant, j'ai vu
que t'étais là", mais il ira nonchalamment à son petit plat en prenant une
caresse en passant. Cool le cat.
La vie telle que je l'ai connue avant, c'était comme nager à contrecourant.
Vous connaissez cette annonce où le coureur se dédouble et "réussit" à se
dépasser et bien c'était moi. Mais moi, je courais avec un crayon et du
papier en plus. Chaque fois que je faisais quelque chose, je me disais que
je pourrais être en train de dessiner à la place, toujours, jamais de repos,
même en vacances, surtout en vacances. Alors, quel bonheur de ne pas
penser sans cesse que je devrais être ailleurs tout le temps. Je suis là
point, et heureux d'y être.
Maintenant, quand je promène mon chien dans le parc, j'ai l'impression de
marcher au dessus du sol et si je regarde le firmament, j'ai l'impression
d'être attiré vers le ciel, molécule par molécule. Comme si je faisais
partie de l'infini plutôt que d'être limité à ma carcasse physique. Avant,
quand je regardais la voûte étoilée, j'avais l'impression d'être infiniment
petit, maintenant, j'ai l'impression d'être infiniment grand, de faire
partie de tout ça.
J'ai toujours haï les clichés, vous ne m'entendrez jamais parler de combat
contre la maladie, bien sûr, en bon animal que je suis, je vais essayer de
vivre le plus longtemps possible, mais je ne considère pas ma tumeur comme
mon ennemie, elle est là, du moment qu'elle paye son loyer, ça va aller.
Coté technique, ma maladie s'appelle "oligodendro gliome"
(http://gfme.free.fr/maladie/oligodendro.html). On m'a fait une biopsie le 4
janvier, un autre grand moment que je vous raconterai et j'attends toujours
les résultats, sans anxiété aucune, c'est peut être la cortisone qu'ils me
donnent pour faire désenfler le truc, ça me bouffit un peu le visage mais à
part ça que du bonheur. Je ressemble de plus en plus à René Simard dans ma
tête, si ça continue, je vais prendre des cours de claquette.
Il y a plus d'une déclinaison de cette tumeur et la biopsie va déterminer
laquelle j'ai. Certaines se traitent mieux que d'autres, mais jamais
complètement, alors je vais dégénérer petit à petit jusqu'à devenir un grand
légume même pas bio.
Mais, ne me souhaitez pas bonne chance. Qu'est ce qui est mieux, mourir plus
lentement ou moins? Ceux qui semblent le plus souffrir en ce moment, sont
les gens autour de moi que j'aime et que j'apprécie d'autant plus.
Pour l'instant, je vais très bien comme vous le constatez, physiquement et
mentalement, mais mon bon docteur m'a dit que j'étais bien chanceux. La
première manifestation de cette maladie est souvent une crise d'épilepsie,
que je n'ai pas eu, pas encore (ça arrive dans 80% des cas) et le jour où on
va commencer mes traitements de chimio et de radio, je serai certainement
moins exubérant, mais on verra, à suivre...
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