Ça y est, j’ai vu mon médecin ce
matin, ça va mal, mais, vous me connaissez, c’est de l’humour. Ça va mal, parce
qu’il vient de me dire que plein de ses patients « toffaient » mon
genre de maladie à peu près dix ans. Quand je lui ai dit qu’il m’avait prédit
de deux à quatre ans, il y a deux ans, il a murmuré, surpris : « Moi,
j’ai dit ça? » Je vous ai déjà confié qu’il ne semblait pas vraiment
croire à ses propres pronostics à l’époque.
Alors voilà, heureux problème, si
je puis dire. Malheureusement, je fais beaucoup moins pitié qu’avant, il y a
des milliers de personnes qui vont mourir avant moi, certains à la douzaine sur
de vieux rafiots quelque part en mer, quelle injustice. Avec le peu de temps
qu’il me restait, j’avais décidé de ne plus aller chez le dentiste, je me
disais à quoi ça sert de payer pour mourir avec de belles dents surtout que les
miennes sont déjà un peu moches et je ne fréquentais plus mon médecin de
famille non plus, heureux que j’étais de me passer de son toucher rectal.
Alors, je fais quoi, pas une vie normale : pitié!
Et puis le bon doc m’a dit :
« J’espère que vous n’avez pas dépensé tout votre argent à cause de mes
pronostics, plusieurs personnes qui pensent s’en aller bientôt font ça et se
retrouvent avec pas grand chose. » Alors, voilà, moi j’ai tout dépensé, je
vivais une vie échevelée, je buvais une bière par semaine, j’allais au resto
une fois aux deux semaines, je prenais le métro une fois par semaine, la folie.
Et puis, je me suis mis à manger
mal, moi le super orthodoxe, surtout que je n’avais plus « kekun »
pour surveiller et critiquer tout ce que je portais à ma bouche. Alors,
croissants et chocolatines, des truffes au chocolat, même des chips…une fois
par mois, la folie et du beurre sur mon pain (mais, au restaurant seulement),
dément!
Finalement, je vais organiser une
levée de fond pour subvenir à mes besoins. Avant, je faisais pitié parce que
j’allais mourir, maintenant, c’est que je vais vivre plus longtemps mais dans la
dèche. Ma belle-fille, qui, dans son adolescence ne m’appréciait pas outre
mesure, me répétait sans cesse que j’allais terminer ma vie dans la rue. Autre
anecdote à son sujet qui m’a fait tellement rire aujourd’hui, c’est que sa
mère, pour mon anniversaire, lui avait demandé de m’écrire une carte de
souhait. Elle l’a fait, mais sur la carte il y avait une tête de mort et en
ouvrant la carte on pouvait lire « CRÈVE ». J’en pleure de rire,
encore, à chaque fois que j’y pense. Elle est adorable aujourd’hui.
Plus sérieusement, côté
financier, il ne faut pas s’en faire pour moi, de l’argent j’en ai, j’étais
illustrateur après tout, je faisais presqu’autant d’argent que ma dentiste. Et
maintenant qu’il me reste plus de temps à vivre, je pourrais même me faire une
blonde, et qui sait, la rendre heureuse celle-là, ce serait différent. En plus,
s’il en reste à la fin, je pourrais lui laisser un petit magot. Alors,
j’attends les candidatures.
P.S. J’ai une autre anecdote sur
ma belle-fille que je dois raconter, tellement je la trouve drôle elle aussi.
Il y a un centre multiculturel à Boucherville où elle suivait des cours de
danse et je devais aller la chercher après son cours. Elle devait avoir 12 ou
13 ans, le bel âge. Elle s’attendait, bien sûr, à ce que je vienne la chercher
en bagnole, comme tout bon parent normal. Mais, c’est mal me connaître, méchant
beau-père que je suis. Nous avions un vieux tandem, du style pneus ballounes,
pas de vitesse et violet en plus. Alors, j’arrive au centre et je l’attends,
elle sort et quand elle me voit avec ma riguine, elle me traite un peu de tous
les noms, elle a du caractère. Alors, je fais mine de m’en aller, qu’elle
marche après tout. Finalement elle comprendra qu’elle n’avait pas le choix et
elle embarquera. Mais, vous savez maintenant pourquoi elle me donnait des
cartes de souhaits avec une tête de mort.
P.S. du P.S. La vérité, c’est que
je pleure depuis une heure, un peu parce que je pense à mes enfants, ça me fait
toujours ça, mais, c’est aussi comme si on venait de m’enlever, quoi au juste, ah
oui, une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je fais quoi, moi, maintenant?
Je le sais, j’attends que mes enfants me fassent des petits enfants pour que je
puisse les promener, un jour, en tandem mauve. Au travail les cocos!
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