JE VAIS PRENDRE L'AVION POUR LONDRES, DANS LE TRAIN UNE DAME QUI FUME ET LE DÔME UNE "POSH PLACE". LES POSTIERS SONT EN GRÈVE, ILS BARBOUILLENT LES TIMBRES. |
PARTIE 2- LONDRES
Alors,
arrivé à Gatwick, on me demande si j’ai mon billet de retour pour le Canada.
Les illustrateurs sont toujours suspects semble-t-il, les douaniers ne
comprennent pas ce que nous faisons et, surtout, ils ne semblent pas comprendre
que l’on puisse travailler de chez soi pour l’étranger.
Puis,
je prends le train jusqu’à Victoria Station et marche jusque chez Richard
Parent, un peu loin, mais je hais les taxis (pas parce qu’il faut payer, mais,
parce qu’il faut parler à quelqu’un), alors je me tape 40 minutes de marche
avec mes valises et ce avant l’invention des roulettes, mais marcher et
découvrir la ville en même temps, ça n’a pas de prix. Je me souviens encore de
l’adresse, « number 7 Priory Walk, London SW10 ». Faut dire que j’y ai
envoyé une centaine de mes cartes postales, tellement que celui qui les
recevait a fini par croire qu’elles étaient à lui. Mais, ça c’est une autre
histoire.
LA SALLE DE BAIN DE L'APPARTEMENT DE RICHARD ET JOCELYNE FOURNEL AVEC VUE SUR LE JARDIN, FAIT LORS D'UN AUTRE VOYAGE. OEUVRE AUJOURD'HUI DANS LA COLLECTION DE PIERRE DURAND. |
L’appartement
était un demi-sous-sol un peu sombre mais très coquet et sympathique, dans un
beau coin de la ville. Mais, Rick n’était pas content, il n’avait pas l’argent pour
aller voir l’expo à Paris et il n’avait pu obtenir une bourse de déplacement,
alors, il était frustré et je me sentais mal d’être là, alors que lui aurait
voulu être à Paris. Et pendant ce temps, mes copains dans l’Hexagone s’occupaient
de l’exposition en mon absence, pas nécessairement contents de ça et je les
comprends.
Ma
raison d’être ici, était que Londres était à ce moment-là, la Mecque de l’illustration
novatrice et grâce aux contacts de mon ami, j’ai pu montrer mon portfolio à
quelques personnes importantes. Par contre, je dois avouer que ça n’a rien
donné. Le seul contrat que j’ai eu, plus tard, m’est venu de la revue Lire à Paris,
cocasse, quand même!
RICK DANS SON APPART ET UNE VUE DE LA TAMISE. |
C’était
un peu le jet-set, la classe économique du jet-set, disons. J’ai d’abord
rencontré les copains de travail et la patronne de Jocelyne Fournel, la blonde de Richard, qui
travaillait au Telegraph. On a pris un verre et mangé au Dôme. Bon, je ne vais
pas vous énumérer tout les directeurs(trices) artistiques que j’ai pu rencontrer
par après, des gentils et des moins accueillants, mais, c’est quelque chose
qu’il faut faire si on veut se faire connaître.
Un mot que j’ai retenu de mon ami
est « posh » qui signifie « chic » pour les Brit. Àlors,
Richard m’emmenait de « posh place » en « posh place ».
J'AI DÉCIDÉ DE PASSER À LA COULEUR, JE M'ENNUIE VITE, MAIS J'UTILISAIS DU BRISTOL, UN PAPIER TRÈS LUSTRÉ DIFFICILE À CONTRÔLER. PETITE SÉRIE DE DESSINS RATÉS. |
Autre
soirée branchée, j’ai soupé un soir chez Benoit Jacques, avec Jean Christian Knaff
et Jeffrey Fisher et bien sûr Richard et Jocelyne, tous des gens qui feront une
très belle carrière et nous passerons la soirée à parler de Londres et du mal
du pays puis, contre les autres illustrateurs. Puis, retour en Jaguar dans le bolide
de JC, la vie de star !
OEUVRES DE BENOIT JACQUES EN HAUT ET DE JEFFREY FISHER EN BAS. |
Jean-Christian Knaff était français d’origine, d’abord professeur d’anglais, il s’est tourné vers l’illustration, lors de son séjour au Québec, je pense. Il partageait un atelier avec Richard et Philippe Béha. C’est lui qui le premier est venu à London et Richard l’a suivi. Mais, je me souviens que mon ami était extrêmement jaloux des succès de J.C. qui avait un style naïf et coloré beaucoup plus accessible que ce que faisait Rick.
JEAN-CHRITIAN KNAFF, L'AFFICHE À GAUCHE AVAIT CRÉÉE UN PETIT SCANDALE À L'ÉPOQUE. |
Au
cours de nos errances, nous avons visité une exposition de l’œuvre de Diego
Rivera dont j’ai beaucoup aimé les nus de femmes primitifs et sexuels, j’étais
déjà comme ça à cette époque on dirait. Aussi, vu l’expo époustouflante d’un
autre dessinateur de voyage du nom de Cristopher Corr, mais dans un style
totalement ludique et coloré, à l’opposé du mien. Mais je trouvais qu’il dessinait
tout avec le gros bout de la lorgnette, ça manquait de portraits. Je me disais
que lui et moi on se complèterait bien. Lors d’un voyage subséquent je le
contacterai et on ira lunché ensemble, mais, ça ne cliquera pas entre nous.
J’apprends
que Lady Di et le Prince Charles se séparent.
Quelques
mots sur Richard, qui fût un très grand ami à moi pendant une dizaine d’années.
C’était un être intense, dont le but était ni plus ni moins de révolutionner le
monde de l’illustration. Je me revois encore à la Croissanterie sur Hutchison,
avec lui, à prendre un gros café au lait, moi qui n’en buvait jamais. À la fin
avec la caféine et son discours inspirant, je voulais grimper dans les rideaux.
Son problème était qu’il voulait tout avoir, mais, sans faire de compromis.
Quand les gens lui disaient que son style était trop sombre, c’était eux qui
avaient un problème.
OEUVRES DE RICHARD PARENT. |
Il
est revenu au Québec, un peu obligé et frustré. Sa carrière allait bien, mais
pas assez pour qu’il puisse en vivre à Londres, une des villes les plus chères
au monde et comme je vous disais, c’était sa façon de voir qui primait. C’est
tout en son honneur, mais ça ne fait pas un gros compte en banque. En plus, j’ai
eu l’impression qu’à son retour, il aurait voulu qu’on l’accueille comme une
vedette, disons, qu’il a été un peu déçu.
On ne
s’est revu que quelque fois après son retour, dont la dernière, quand il est venu
me demander de l’argent pour la revue qu’il voulait créer et qui allait
s’appeler « Noir ». Ça lui ressemblait. Après sa mort d’un cancer de
la tuyauterie, je pense, j’ai fait une petite sculpture qui le représentait en
Don Quichotte, avec une tête de mort qui lui sortait du ventre. Je pense qu’il
aurait apprécié.
Il
est mort très jeune, à 35 ans.
Finalement,
retour à Paris. Dans le RER je vois des jeunes gens insultés un jeune homme à
cheveux longs, probablement d’origine Indienne. En sortant, ils lui cracheront
dessus par la fenêtre en le traitant de pédale. Courageux, ces jeunes gens! Le Pen n'était pas loin.
MOMO, MOI ET PÔL TURGEON, JE NE SAIS PAS D'OÙ SORT CETTE PHOTO. |
Waowww
RépondreSupprimer