PARC DU MONT MÉGANTIC
En voyant ces images, vous avez peut-être eu une sensation de déjà vu, pourtant elles ont été prises un mois avant celles que vous avez vues récemment. Vous allez comprendre pourquoi j’ai attendu pour en parler quand je vous dirai de quoi il en retourne. Et pour ceux et celles que ma vie intéresse, je n’ai vraiment eu qu’un seul malheur en 2014 et c’est celui que je vais vous raconter ici.
Il y a un mois environ, j’étais au Mont Mégantic,
secteur Franceville avec ma petite maman. J’avais loué un chalet pour deux :
joli, tout vitré, avec un petit foyer écolo : très romantique, surtout
avec ma mère que j’aimerai toujours. En arrivant près du parc, il tombait une
petite neige floconneuse et diaphane, du genre qui reste collée aux troncs et
aux branches des arbres et qui crée un décor absolument féérique. Aussitôt
installés, nous sommes ressortis pour faire un très joli sentier qui longe le
ruisseau de la Montagne (parfait pour ma mère de 85 ans) et que nous avons
parcouru aller-retour à quatre reprises au cours de notre séjour; elle est
en forme quand même.
Moi, la deuxième journée, j’ai escaladé la plus
grosse montagne du coin, une butte en fait, mais au Québec, pas trop loin de
Montréal, c’est tout ce qu’on trouve. Onze kilomètres en boucle, avec quelques
très belles vues, ça s’appelle le sentier des Cimes. Rien d’essoufflant,
surtout que je m’arrêtais pour faire de petits dessins. Malheureusement le
retour est plutôt monotone, c’est un long corridor de quelques kilomètres, sur
une route plate entourées de grands arbres. C’est joli, mais tellement tout
pareil qu’à un moment je me suis demandé si je ne m’étais pas trompé de chemin.
Si j’avais à la refaire, je remonterais simplement la montagne dans l’autre
sens.
Par contre sur la montagne, j’ai commencé une
migraine optique qui est tout de même passée assez vite. J’ai toujours eu ces
migraines, mais elles sont beaucoup plus fréquentes depuis un an. Environ une
fois par semaine il m’apparaît une sorte de feu d’artifice dans les yeux, et je
ne vois plus rien au centre de mon champ de vision. Après quelques minutes le
cercle s’élargit puis finit par disparaître. Pour vous rassurer, je ne suis
jamais totalement aveugle, mais peut-être à 15 ou 20%. Paraît que ça peut donner
des maux de tête, mais dans mon cas, à peu près rien la plupart du temps.
De retour au chalet, j’ai préparé le souper, on a
mangé et comme il n’y avait rien d’autre à faire je me suis étendu sur mon lit
pour pratiquer ma musique (je chante avec le chœur de l’Orchestre
Métropolitain). Il faut préciser que le chalet est vraiment petit, il n’y a pas
de fauteuil. Il y a bien une sorte de « beanbag » sur lequel j’ai
essayé de m’asseoir mais il glissait et était si bas que pour se relever, à mon
âge, ça prend de l’aide et comme ma mère est encore plus vieille que moi, on
s’est abstenu.
Bon, venons-en aux faits, après avoir répété mes
partitions, j’ai commencé à lire, mais les lettres se sont mises à danser
devant mes yeux : impossible de déchiffrer ce que je voyais. Je voyais les
lettres, mais impossible d’en faire des mots. J’avais beau essayer, rien à faire,
exactement comme avant qu’on me donne de la cortizone au début de 2013, à
l’époque où on m’a annoncé que j’avais une tumeur au cerveau.
Puis, je me suis tourné vers ma mère, je lui ai dit
« Thomas », le nom de mon fils, puis « Martine » le nom de
mon ex et finalement « Maman ». Je sentais que ça n’allait pas. Je
m’exprimais normalement, mais lorsque j’ai essayé de nommer ce qu’il y avait
devant moi, mon chapeau et mon manteau, impossible ! J’avais beau essayer,
rien à faire. Je ne paniquais pas, c’était un peu irréel. J’ai fini par
demander à ma mère comment s’appelaient ces objets, elle me l’a dit, mais toutes
les choses autour avaient perdu leur nom. Il n’était que huit heures, mais on a
décidé de se coucher. Je sais que la mémoire m’est revenue éventuellement, mais
je me suis endormi là-dessus.
Le pire là-dedans, c’était de voir ma mère qui devait
s’imaginer prise seul avec cet handicapé du cerveau, au milieu de ce qu’on
appelle toujours nulle part et qui, comme par hasard, est toujours là où on se
trouve, suis-je clair? Surtout qu’elle avait essayé, sans succès, de conduire
ma grosse « van » cet après-midi là. J’imagine qu’elle se voyait
courir à en mourir pour aller demander de l’aide aux chalets voisins, comme
dans un mauvais film, au ralenti, avec de la grosse musique dramatique.
C’est drôle, quand c’est arrivé, c’est elle qui était
solide, mais, le lendemain c’est moi qui ai dû la rassurer. Je me sentais tout
à fait normal, en contrôle, mais un doute subsistait quand même dans mon esprit :
ça pouvait m’arriver, encore, soudainement. Par contre, je savais que ça
n’affectait qu’une infime partie de mes capacités, puisque avant que je ne sois
diagnostiqué je menais une vie presque normale avec mes pertes de mémoire.
Cependant, quelques jours plus tard, j’ai eu l’impression,
qui s’est confirmée, d’avoir perdu une petite partie de ma vision. J’en avais
déjà perdu un peu sur le côté gauche, mais là, c’est devant. Un minuscule
point, comme si j’avais en permanence une lueur de flash gravé sur la rétine.
Aussi, je devais voir mon médecin à la mi-décembre,
après avoir passé une autre résonnance magnétique, mais ces personnes qui sont
en général fiables m’ont oublié. Alors pas de résonnance, donc pas de médecin
non plus. Je le verrai sûrement en janvier, mais comme je n’ai pas eu d’autre
phase amnésique, je ne m’en fais qu’à moitié.
On est revenu le lendemain de cet évènement, sans
anicroche, avec un arrêt pour manger à Sherbrooke, sur la rue King ouest. Je ne
sais pas s’il y a un endroit dans cette ville qui est en effervescence, mais ce
n’était pas celui-là. Même si Auguste, le resto du jeune chef branché est juste
là ; il y a presque un commerce sur trois de fermé.
Alors j’attends mon prochain rendez-vous avec le
doc, car j’ai eu ma résonnance juste avant Noël, et je vous tiens au courant.
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