jeudi 21 août 2014

ANNUS HORIBILIS (épisode 6)

Alors vous pensiez peut-être que j’en avais fini avec mes malheurs de 2013? Que nenni, vous n’avez vu que la pointe de l’iceberg, et il y a aussi tout ce que je ne dis pas, ou ne peux pas dire.
Voilà, on est en février 2013, et notre couple a rendez-vous chez une psychologue et là « elle » dit de but en blanc : « Je veux que cet homme sorte de ma vie ». Suis-je surpris? Non. Je suis même content  de voir qu’elle a eu un courage que je n’aurais jamais eu. Je suis le plus peureux des hommes et je serais resté jusqu’à ce que ma tumeur m’emporte. Ce jour-là, j’ai du décider de la date de mon départ de sa maison. Je lance la mi-mai, comme ça, parce que c’est loin et que ça me semble faisable, elle accepte.
Mais, entretemps, il me faut trouver un appartement; acheter une maison est hors de question si je dois passer de vie à trépas dans les années qui viennent. Alors un appart, mais où? Rester sur la rive-sud? J’y suis depuis vingt ans; certainement pas Boucherville, Saint Lambert? Peut-être, mais trop cher. Et Longueuil? Je n’ai jamais déménagé pour autre chose que suivre une blonde, alors décision difficile pour moi.
Heureusement, mon jeune frère est venu à ma rescousse; il a un triplex près du métro Frontenac, le troisième est libre, mais en rénovation. Comme mon avenir est plutôt incertain, ça me rassure grandement de savoir que je n’ai pas affaire à un méchant proprio qui pourrait essayer de m’évincer si je saute un mois de loyer. En plus mon fils va aller au CÉGEP à côté et il pourra venir coucher chez nous de temps en temps.
Mais, le toit de l’immeuble doit être refait, ça coule dru dans l’appart à chaque fois qu’il pleut. Il a déjà signé un contrat avec un contracteur, mais les jours et les mois passent et il ne se présentera jamais. Comme mon frérot à d’autres chats à fouetter, il ne s’en occupe pas plus qu’il faut.
De mon côté, j’avais grandement sous-estimé les efforts et le temps nécessaire à l’opération déménagement. J’étais illustrateur, j’avais des tonnes de dessins, des bouquins à n’en plus finir, autant des livres de référence que des livres d’art pour m’inspirer et du matériel artistique, en si grande quantité que j’aurais pu m’ouvrir une école. Il faut être en art visuel, pour comprendre ce que c’est que d’entrer dans un magasin de matériel d’artiste. Impossible d’en ressortir sans avoir acheté quelque chose qu’on n’utilisera peut-être jamais, mais quel bonheur!
J’avais déménagé chez elle tout mon bungalow de Saint Lambert il y a 10 ans et j’avais encore accumulé, sans penser qu’un jour je m’en irais dans plus petit. C’est ça vieillir, avec le temps, notre espace vital diminue. Pas toujours par choix, mais souvent par obligation. Misère! En plus, j’avais été en traitement tout le mois de mars, autant la chimio que la radio, avec, puis sans Décadron. Pas facile de penser à déménager dans des conditions comme ça. J’avais donné ma parole, mais je ne l’ai tenue qu’un mois et demi en retard, c’est mieux que rien, non?
Mais, là-dessus il y avait au moins une personne qui n’était pas d’accord.
Autre petit malheur en prime : je vous ai dit que j’avais beaucoup de livres et j’ai voulu aller en vendre, mais la boîte que je m’étais faite était peut-être un peu lourde pour les muscles qu’il me reste et en la mettant sur le comptoir du magasin d’échange, je me suis étiré quelques muscle intercostaux et me voilà, au retour ce soir-là, incapable de respirer tellement ça me faisait mal. « Quelqu’un » m’a donné des relaxants musculaires, mais, pendant trois nuits, j’ai été obligé de dormir couché, mais en angle sur un paquet d’oreillers. Comme disait l’autre, j’avais bien besoin de ça! En plus, que la dame du magasin n’a jamais voulu de mes livres et que j’ai dû tous les déposer dans une boîte à cet effet à la bibliothèque : au moins cinq voyages.
Rendu fin mai, le toit était enfin arrangé et les rénovations presque terminées, mais j’étais toujours chez elle, de moins en moins contente que je sois là, je la comprends. En plus que, pensant que je serais déménagé  avant juin, j’avais réservé trois semaines dans les Rocheuses avec mon fils, le plus jeune. Je ne l’avais pas beaucoup vu depuis quelque temps et c’était très important pour moi.
Avant de partir, j’ai dû tout mettre dans le garage : ma vie entière, 60 ans, empilé dans un garage : on est bien peu de choses. J’aurais pu y mettre le feu et transférer les cendres dans une petite boîte ainsi, j’aurais pu tout déménager moi-même. Poussière, tu es poussière et tu retourneras en poussière, dit la Genèse.
Parlant de cendres, petite publicité ici qui ne vous intéressera pas, en tous cas pas tout de suite : je veux parler de mes futures funérailles. J’avais la chance d’avoir un beau-père qui était l’un des instigateurs ou fondateurs de la Coopérative funéraire du Grand Montréal. Croyez-le ou non, à une certaine époque, il était presqu’impossible d’avoir un cercueil fait au Québec, pas assez d’arbres ici, j’imagine. Comme la plupart des salons appartiennent à des intérêts canadiens ou américains, les boîtes de bois de nos morts venaient de ces contrées lointaines aussi.
Alors, ils ont créé cette coopérative dont les tarifs sont beaucoup moindres que les Urgel et Alfred de ce monde et on ne vous y pousse pas à acheter le modèle Ferrari des cercueils, comme si ça changeait quelque chose pour le macchabée.
Personnellement, j’ai choisi ce qu’il y avait de plus simple comme arrangements préalables: ils viendront chercher ce qu’il reste de moi, le mettront dans une boîte en carton, allumeront le barbecue, et voilà, on mettra ce qui reste dans une urne en bois, la moins chère. La famille partira avec ça et ils feront ce qu’ils veulent de ma poussière. Peut-être décideront-ils de la mettre sous le tapis, pour m’oublier.
Coût total : 1516,50$ que j’ai déjà payé et qui est en fidéicommis et ainsi à l’abri de l’inflation. C’est certain que ça peut encore paraître cher, mais d’ordinaire, ça tourne plutôt autour de 5 ou 6,000$. Il y a de quoi fêter, n’est-ce pas. Alors, gardez ça à l’esprit lorsque vous aurez à y penser pour vous ou quelqu’un d’autre et je ne vous demanderai même pas de commission si vous suivez mes conseils.
À SUIVRE…DIRECTION LES ROCHEUSES



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