samedi 1 février 2014

Annus horribilis (épisode 2)

ANNUS HORRIBILIS (suite)


D'abord découverte de ma tumeur. On l'a découverte en 2012, mais disons que ça a eu quelques incidences sur l'année suivante. Elle porte le nom magnifique de oligoastrocytome. Oligo préfixe signifiant petite quantité. Ici je m'insurge, car comme je l'ai vue, je sais fort bien qu'elle n'est pas petite. Astro préfixe référant aux astres, ici je parlerais plutôt de désastre et cytome "les systèmes cellulaires, sous-systèmes et composants fonctionnels du corps". Ici rien à dire, je n'y comprends que dalle, comme dirait mon fils.

Réflexion en passant, comme on sait que l'étymologie de la plupart des maladies vient du grec, je propose de boycotter toutes les places à souvlakis et les pizzerias aussi tant qu'à y être, puisque la plupart appartiennent à des grecs de toute façon. Ça leur apprendra!

On m'annonce ma mort prochaine, mais ça ce n'est pas un malheur puisque comme j'étais drogué, j'ai pris ça avec le sourire. Mais depuis ce temps ça traîne en longueur, un an déjà.

4 janvier, on me fait une biopsie de la cervelle mais en pure perte puisqu'ils ne pourront jamais déterminer vraiment de quel grade est ma tumeur. Je pense qu'ils vont y aller à l'oeil et m'accoler le grade 3, le pire.


20 janvier, la mort ne veut pas encore de moi, même si je ne l'ai jamais frôlée de si près. Nous sommes à notre petit chalet près de Richmond. La fin de semaine avait été douce, le mercure frisait le zéro, mais on annoncait un refroidissement dramatique. Comme de fait, le dimanche midi, le mercure s'est mis à chuter et le vent à s'élever. Quelques vénérables vieilles branches sont même tombées de l'arbre près de la maison.Il valait mieux décamper le plus tôt possible. La suite nous prouvera que nous aurions dû attendre, mais, peut-on savoir?

La première partie du voyage se fait sans problème, nous étions sur la 55, il ventait bien un peu, mais rien de bien dérangeant. Même une fois sur la vingt en direction de Montréal, tout est calme encore. À ce moment là, je décide de me reposer un peu. Je savais que j'étais entre les mains d'une conductrice émérite au volant de son char d'assaut, une Subaro à quatre roues motrices. Je penche mon dossier, je ferme les yeux en lui disant bonne nuit, même si on était en plein jour.

Quand je me réveille, alors que je ne pensais même pas avoir dormi, tout était terminé. La voiture était sur l'accotement et il y en avait plein d'autres plus ou moins amochées éparpillées ça et là. Le vent balayait tout ça, entre soleil et ombre. C'était irréel.

Je sors de la voiture, hébété. Ça ma prendra un peu de temps à revenir sur terre. Comme je vous l'ai déjà dit (peut-être), la cortisone me fait sombrer dans un sommeil où je n'ai conscience de rien.

Je marchais un peu comme un zombie, je n'avais qu'un léger mal de cou, je ramasse les  choses importantes, le chien qui tremble encore de peur sur la banquette arrière et nous nous installons dans la voiture d'une dame qui avait été épargnée par le carambolage.

Petite parenthèse, une carambole est une boule de billard, de là le mot carambolage. Les voitures se frappent et vont dans toutes les directions comme sur une table de billard. Difficile d'avoir une image plus précise.

Ce n'est que plus tard, en voyant des photos de la voiture que je comprendrai à quel point le choc à été violent. L'arrière et l'avant sont enfoncés et le côté du conducteur amoché. Pire, je ne me doutais pas du choc qu'avait du subir G qui a vécu tout ça.

On s'est d'abord fait emboutir par derrière, coup qui nous a déporté vers la voie la plus rapide ou un camion nous a happé avant de disparaitre dans la tempête, nous laissant virevolter sur place avant que nous nous immobilisions sur le côté. On s'est même fait frapper trois fois d'après G.

G sort de la voiture de la dame, elle se sent mal et se jette d'abord tête première dans la neige, puis sur le dos blême comme une morte, elle geint et gémit. Finalement, elle perdra connaissance. Des policiers, des pompiers, des ambulanciers l'entourent , elle se sent de plus en plus mal, ils l'immobilisent dans un carcan, avec couvertures et tout et après un assez long temps, la mettent dans l'ambulance.


De mon côté, je refuse le carcan, je me sentais vraiment bien, comme si rien ne s'était passé. En fait pour moi il ne s'était rien passé. Tout était comme un rêve. On me fait assoir à côté de la conductrice et là, ça prendra une éternité avant de partir, tellement que j'ai eu le temps de ressortir pour prendre des photos.

L'ambulance part, sirène, gyrophares. C'est très glacé, à chaque arrêt on glisse, là, j'ai peur. On arrive enfin.

À l'hôpital, l'ambulancière me dénonce. Lors d'un accident semblable, c'est la règle d'être immobilisé, au cas où. Je finis par accéder à leur demande, sauf que j'aurais dû aller pisser avant.  Ce sera ma seule vraie souffrance. Ils sont tellement débordés qu'ils se fichent bien de ma vessie et comme je suis couché dans un lit avec les barrières remontées, je ne peux me lever par moi-même. Il m'est impossible de bouger, puisque je suis maintenant considéré comme un cas grave et je dois passer scans et rayon x, car G leur a dit que je venais de subir une opération au cerveau.

Croyez-moi, si j'avais eu un problème, ils me l'auraient aggravé, tellement ils me bardassaient. Pas par négligence, mais par inexpérience, je pense. J'ai l'impression que la situation les obligeait à envoyer n'importe qui n'importe où et j'en payais le prix.

Pas de nouvelles de G dont je suis séparé. Je finis par la rejoindre en cachette sur mon tout nouveau Iphone.

Une infirmière un peu bête finit par me donner un urinoir, elle me regarde faire. Vous essaierez de pisser sur le dos dans un lit avec un carcan et une infirmière qui vous observe. Pas facile, mais quel soulagement.

Finalement, le doc nous dit que tout est beau et on nous libère, il est proche cinq heures ou six heures, je ne sais plus.


Taxi jusqu'à un hôtel proche, pas question de revenir ce soir et comment? Nous mangeons un fort bon repas: tartare de saumon crème de maïs et canard sur fagioli. Un peu préparé style peuple, trop gras, trop beurré, mais dans les circonstances bien meilleur qu'un club sandwich. En fait, je mangerai à peu près tout, tout seul, puisque G n'est pas dans son assiette, ça se comprend.

Ensuite, bain tourbillon à deux en mangeant tout seul les deux croustades de pommes du dessert. Elle n'a pas faim moi le Décadron me fait manger comme un ogre.

Notre chienne ira d'abord dans une voiture de la SQ, puis sera adoptée par un pompier volontaire de Saint-Germain-de-Grantham. On ira la chercher chez lui le lendemain avec les beaux parents.

Mon frère qui nous suivait, quand il a vu ce qui se passait,a décidé de prendre le champ volontairement. Mais, comme il n'était pas une urgence, il a dû attendre des heures avant d'être dépanné.

Conclusion, ce n'est pas la neige, ni le vent, ni la glace qui a causé cet hécatombe, mais le fait qu'au Québec on coupe les arbres près des autoroutes (et ailleurs aussi) alors quand la météo s'envenime il n'y a aucun rempart entre la route et les éléments déchaînés.

À suivre...







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire