vendredi 14 février 2014

Annus horribilis (épisode 4)

    
ANNUS HORRIBILIS 
(suite 2)

Voici un petit texte que j'ai écrit le 10 mars 2013 et qui vous donne une idée de comment je me sentais au début de ma chimio:

"Quatre jours de radio, six de chimio et je suis proche de la mort (soyons dramatiques). Sérieusement hier, je ne voulais que dormir, mais c'était d'un sommeil pénible, fiévreux. Le contraire de ce qu'on appelle un sommeil réparateur.

J'ouvrais les yeux pour les refermer aussitôt. Je ne sais pas s'ils m'ont laissé assez de temps pour me remettre de l'arrêt de mon Décadron, toujours est-il que ça me tombe dessus comme une tonne de briques.

Il me reste encore vingt-six jours de radio et plus que ça de chimio à tirer, j'ai peur que ce ne soit fort pénible. Demain je me fais faire une prise de sang, alors je saurai si je manque de fer, ce qui est fort possible, car être aussi fatigué aussi vite il me semble que ce n'est pas normal."

C'est étrange j'avais totalement oublié cette souffrance, tout ce dont je me souvenais c'est que pour la chimio, c'était de jolie petites pilules colorées que je prenais chez moi. Elles valaient à peu près 100$ chacune. Je n'ai pas calculé, mais ça a dû coûter autour de 50 000$, est ce que je méritais ça? Et si ma tumeur se remet à gonfler, on remettra ça. Je vais ruiné notre système de santé à moi tout seul.

Et le manque de fer, ça n'avait rien à voir avec ma fatigue, c'était qu'on m'avait coupé le Décadron de façon trop brusque. On ne m'avait rien dit sur les effets secondaires de ce médicament, ni pendant que je l'utilisais, ni après. Il faut toujours poser des questions, on dirait qu'ils nous en disent le minimum.

Aussitôt qu'on m'a fait reprendre cette merveilleuse drogue, ce fût sans problème. Donc par ici le traitement, j'en aurais pris encore. Rien à voir avec ceux qui ont un vrai cancer et qui se font souvent charcutés, mais assurément entubés à l'hôpital à chaque semaine pendant des siècles.

Quant à la radiothérapie, ce n'était pas de jolies petites pilules, mais de jolies jeunes dames, toujours souriantes qui me donnaient mon traitement cinq jours par semaine. Dix minutes, sans douleur, zap et c'était fini. Le plus difficile était de respirer avec la sorte de masque de hockey qu'ils vous fixent sur la tête.
 
Il y a même une des préposées qui m'a dit que j'étais un beau monsieur, c'est bon pour le moral. Elle m'a même montré le tatouage de dragon qu'elle avait dans le dos (en partie). Par contre, ces dames m'ont fait une coupe de cheveux que je n'ai pas aimé. Elles m'ont fait tombé tous les cheveux du côté de ma tumeur. Je leur ai bien demandé de m'égaliser ça, mais elles n'ont jamais voulu.

Au sujet du Décadron, je vous ai aussi dit que quand on me le coupait, j'en avais pour un mois à me remettre de l'énorme fatigue que ça me causait. Je me suis trouvé une belle image pour illustrer ça: je me disais que c'était comme monter en avion puis se faire pousser dehors sans parachute. L'arrivée au sol doit être plutôt douloureuse.

POUR ADULTES SEULEMENT

DÉSIR ET PERTE

Ce dont je ne vous ai pas parlé cependant, c'est de la perte de tout désir sexuel en janvier de l'an dernier. Pas que j'avais vraiment besoin de désir à ce moment là, mon couple allait plutôt mal. En fait, au début, je croyais que c'était le choc de la nouvelle de la maladie. Je n'avais pas vraiment réagi à ce moment là, j'étais plutôt curieux, un peu comme si on me parlait de la maladie de quelqu'un d'autre, mais peut être qu'au fond de moi, j'avais la trouille.

Mais non, c'était en fait mon vieil ami le Décadron. Toute l'énergie qu'il me donnait ailleurs, il me l'enlevait entre les jambes.

Quel malheur? Non, quel bonheur! Un vrai rêve, il y avait enfin de la place dans ma tête pour autre chose que des pensées sexuelles. Je ne sais pas comment c'est pour les autres hommes, en fait je le sais un peu, mais je me demande si mes amis parlent de sexe parce que tous les hommes sont comme ça ou s'ils sont mes amis parce qu'ils parlent de sexe comme moi et que tout les autres hommes pensent plutôt au hockey ou à leur char.

Je ne sais pas si j'étais normal avant (et maintenant, car c'est revenu, pour le meilleur et pour le pire) ou si je l'étais plus avec pas de queue. Il faudrait que je relise le rapport Hite pour savoir où se situe la normalité.

Bien sûr j'exagère un peu, j'ai encore un peu de place dans ma tête pour quelques autres pensées que sexuelles, mais si je dis ça, c'est seulement pour ne pas vous faire peur si je vous rencontre.

En fait, c'est peut être connecté à mes désirs de performance. Avant, j'étais comme tout le monde à essayer de me dépasser comme disent les commerciaux, c'est beaucoup moins vrai maintenant. C'est d'ailleurs ce qui me manque le plus, j'ai beaucoup de difficultés à me raccrocher au train normal de la vie.

Étrange car aujourd'hui, j'ai autant de désir qu'avant sauf que ce sont ces désirs qui ont été secondaires toute ma vie qui prennent le dessus: écrire, cuisiner, et la musique.

Pour finir, en rapport avec l'impuissance, j'ai eu une idée géniale pour mettre fin aux abus de certains prêtres sur les enfants: leur administrer du Décadron. Non seulement, ils n'auraient plus envie de, mais en plus ils auraient une énergie sans borne pour accomplir leur ministère. On pourrait aussi reconnaître ceux qui en prennent à leur bajoues, comme Mgr Turcotte, ainsi on saurait d'avance avec qui nos enfants sont en sécurité.

P.S. Le dessin, c'est le dernier autoportrait que j'ai fait, au moment ou mes cheveux ont commencé à tomber  

À suivre



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