LA MORT DE MON PÈRE
Non, mon père n'est pas décédé récemment, mais il y a 13 ans et sa mort ne fait pas parti de mes malheurs de 2013, elle ne fait même pas parti de mes malheurs du tout. Je le sais, je suis un sans-coeur.
Mon père a été atteint d'un myelo carcinome. Le myélome (multiple) est une tumeur, impliquant le « myélo », ou les cellules produisant le sang dans la moelle osseuse. La moelle est présente dans la cavité à l¹intérieur des os de la colonne vertébrale, du crâne, du bassin etc.C'est en allant voir un chiropraticien pour un mal de dos qu'il s'est fait pulvériser certaines des vertèbres affectées et qu'il a abouti à l'hôpital pour se faire dire qu'il avait un cancer. Il avait 72 ans.
Je n'étais pas très près de mon père et aller le voir chez lui était un vrai pensum. On s'installait dans le salon et avec le bruit de la télé en arrière-plan, on échangeait des banalités jusqu'à ce que je considère qu'il était raisonnable que je puisse partir. Son émission favorite était « Xéna la guerrière », une pseudo héroïne grecque qui se promenait à moitié nue pendant une heure en se battant avec des méchants. Je ne sais pourquoi mais j¹avais toujours l¹impression d¹arriver chez lui pendant que ça jouait.
À le regarder «vivre», je me suis demandé pourquoi il tenait tant à ne pas mourir. Il me semble qu¹en vieillissant on s¹accroche à bien peu de choses.
Dans la même veine, j'ai déjà entendu une dame qui attendait pour un traitement de chimio et qui trouvait que l¹attente était longue, dire à sa voisine: «J'ai assez hâte d'être chez nous pour écouter mes émissions». Comme si le but d'une vie pouvait se résumer à respirer, manger et regarder la télé. Et on nous dit supérieurs aux animaux.
Je me souviens que mon père souffrait beaucoup au début, je le revois dans son lit les mâchoires et les poings serrés, c'était pénible à voir. Si j'avais su ce que je sais aujourd'hui, je serais intervenu plus directement pour qu'on lui administre quelque chose pour le soulager. Je ne savais pas à l'époque l'immense panoplie de drogues et de médicaments qui existe pour soulager et qu'il faut demander pour recevoir, car les infirmières sont souvent débordées.
Le médecin qui nous a annoncé qu'il allait mourir, ne gagnera jamais un prix de diplomatie. On était ma sœur et moi au chevet de mon père qui sommeillait et ce bon docteur nous dit simplement : "Soixante-douze ans, c'est jeune pour mourir". Et vlan dans la gueule! Je me suis senti vaciller, mes jambes ont ramolli, mais je suis resté debout tout de même estomaqué par le manque d'à propos de cet homme. J¹imagine que pour lui, annoncer la mort de quelqu¹un à ses proches est devenu banal, alors que ceux à qui il l¹annonce ne l¹attendent peut être pas. (À suivre)