mardi 20 octobre 2015

MÉTRO DE NEW YORK

LE MÉTRO DE NEW YORK



En 1988, à l’âge de 35 ans, ma carrière allait assez bien, mais il fallait que je me fasse connaître un peu plus du côté de la grosse pomme. J’y avais déjà été lors de courts séjours pour montrer mes œuvres, mais ce n’était pas assez. C’est alors, que j’ai eu l’idée d’aller y passer le mois de juillet et mon excuse, pour ces chers douaniers américains si scrupuleux, était que j’allais y prendre un cour de dessin de modèle vivant au School of Visual Arts. Un seul petit cours par semaine me laissait amplement le temps de faire plein d’autres choses.

Ma grande amie Marie Lessard, illustratrice, y étudiait aussi, et deux amis à elle, m’ont gentiment loué un lit dans leur appartement à Brooklyn. Le beau côté d’avoir des colocs à New York, c’est qu’ils ne sont jamais là, sauf la nuit et encore : la ville est plus intéressante, j’imagine. Des trois, je pense que c’est moi qui étais le plus souvent dans notre garçonnière.

Mais, qui dit Brooklyn, dit métro, si je voulais aller à Manhattan, je n’avais pas le choix que de le prendre. J’avais été plusieurs fois à New York mais, le métro me terrorisait. Chaque fois que je passais près d’une entrée, il me semblait entendre les cris des victimes que Satan y faisait brûler. Cette odeur de roussi qu’exhalent les grilles d’aération n’est sûrement rien d’autre que l’odeur de leur peau qui brûle.

Plus sérieusement, j’étais certain que quelque malfrat m’attendait au premier guichet souterrain pour me faire payer cher la mauvaise idée que j’avais eu d’y descendre. En plus qu’il faut comprendre comment ça marche, où payer et comment et, surtout, déchiffrer les arcanes de la carte représentant les stations. À cette époque, à Montréal, il y avait à peine une vingtaine de stations, ici, un million, minimum. J’avais l’impression d’avoir à accomplir les 12 travaux d’Hercule afin d’aller du point A au point B.

En plus, j’avais l’excuse d’adorer marcher, parcourir Manhattan d’un bout à l’autre même si mes pieds et mes genoux ne sont pas toujours d’accord, c’est le pied. Même que parfois c’est la douleur de la brûlure sous mes chaussures qui me fait lever la jambe et faire un autre pas.

Aussi, quand on est pressé quoi de plus excitant qu’une course folle en taxi le long de ces interminables avenues à sens unique. Avec un chauffeur à l’anglais incompréhensible ou un Haïtien que vous surprenez en lui parlant français et qui sait savamment tricoter en klaxonnant entre les voitures : ça vaut n’importe quel manège de n’importe quel parc d’attraction, ce n’est pas plus cher et, au moins, ça vous emmène quelque part.

Malheureusement, cette fois-ci, je n’avais pas le choix. Je me voyais mal traverser le Brooklyn bridge à pied à chaque matin, aussi agréable que ça puisse être. Allez, un peu de courage. J’ai quitté l’appartement et en mettant le pied dans la rue une voiture munie de deux méga speakers sur la banquette arrière m’a coupé en crachant son percutant hip-hop. En tournant le coin de la rue une odeur d’urine m’a chatouillé les narines et j’ai aperçu quelques sans-abris couchés dans les ordures. Finalement, j’y suis arrivé, station Hoyt-Shermerhorn.  J’ai descendu lentement les marches gommées et collantes vers les guichets.

Suspense! Mais, ici, vous allez comprendre ma grande intelligence, car j’avais amené avec moi mon coloc Jim qui avait moult fois vaincu l’hydre à sept têtes et résolu l’énigme du Sphinx. Ce fut assez facile, mais comme je fais partie de ces gens qui comprennent vite, mais à qui il faut expliquer longtemps, j’avais, quand même une petite angoisse pour le retour en solo.

Mais, je me sentais tellement « hot » d’être là, que j’étais prêt à n’importe quoi. Finalement, je n’ai jamais eu de problème dans le « subway », sauf une fois et dans ma tête. Car, un soir où je n’étais pas attentif, j’ai dépassé la station où je devais descendre et je me suis retrouvé absolument le seul blanc dans une mer de gens à la peau noire. Bien sûr, il ne s’est rien passé, mais pour le petit blanc de Villeray qui vivait dans une ville toute blanche à l’époque, ce fut vraiment un choc.

Et le New York transit est devenu mon mode de transport favori, c’est comme un monde sous le monde, une tour de Babel allongée, interminable où j’avais rendez-vous avec toutes les ethnies du monde et même quelques blancs pâles comme moi. Pour un illustrateur, c’était le paradis!

Et ce fut, aussi, le début d’une longue série de portraits. Il est très facile de dessiner dans le métro, car, fait étrange, les gens, même s’ils sont assis face à face ne se regardent presque jamais. En plus, ils ne s’attendent vraiment pas à ce que leur voisin, avec son petit cahier, soit en train de les portraiturer.


Comme j’ai été montré mon portfolio un peu partout à Manhattan j’ai eu le plaisir de descendre en enfer souvent. Quel métro magnifique, rustique, grinçant, chargé d’histoire et contrairement à ici, il est vraiment utilisé par toutes les couches de la  société, du banquier au sans abri qui quête d’un bout à l’autre de la rame.



P.S. Petit détail technique : le métro de New York est différent du nôtre, en ceci que les gens sont assis face à face, donc il est plus facile de les dessiner et d’avoir plusieurs modèles potentiels sur la banquette devant soi.


Aussi, tous ces dessins ont d’abord été faits à la mine dans le métro, puis coloriés chez moi, à mon retour. J’ai d’abord commencé par la fin, je ne sais pas pourquoi, et je voulais tout faire dans cette technique à la ligne et à l’encre, mais je me suis  ennuyé assez vite et par la suite, je me suis amusé à diversifier mes approches. Il y a un peu de tout : de l’encre, de la gouache et de l’aquarelle
  




Vous remarquerez, à gauche de la quatrième série d’images, le portrait de Monique, ma blonde de l’époque et, à quelques images de la fin, un portrait de mon ami Brett Barndt, qui était aussi mon co-loc à Brooklyn et qui se retrouvera, par hasard, un siècle plus tard sur mes dessins de Montréal, que j’ai publiés il y a peu. Ici, il lit un Maigret.











mardi 13 octobre 2015

LE MÉTRO DE MONTRÉAL 2014

J’ai toujours adoré dessiner des êtres humains sur le vif et le métro est vraiment le meilleur endroit pour ça. Il y a bien les hôpitaux aussi, mais devinez quoi, j’aime mieux m’en tenir loin ces jours-ci. Donc, je vous présente d’abord mes esquisses les plus récentes, réalisées dans le métro de Montréal. Plus tard, viendront celles que j’ai faites à New York, il y a un siècle.

LE MÉTRO DE MONTRÉAL 2014

J’ai résidé longtemps dans une blanche banlieue du sud, mais, me voici de retour en ville, près du métro Frontenac. Un coin pas trop riche, mais, parfait pour un nouvel arrivant comme moi. Ce n’est pas l’endroit le plus ethnique de Montréal, mais on y trouve un beau mélange de toutes les couleurs et métro oblige, je suis devenu écolo en plus. C’est beaucoup plus simple de me promener sous terre que dessus avec ma grosse bagnole pour me déplacer.

Il y a plus de 25 ans, lors d’un séjour à New York, j’avais fait une série de dessins et je me souviens avoir dit dans un article sur moi du magazine américain « Print » que le métro chez eux, était comme une société des nations. Venant de la toute caucasienne ville de Montréal de l’époque, j’étais fasciné par tous ces visages, si différents de ceux que je connaissais.

Et me revoilà, aujourd’hui, dans le métro, mais à Montréal cette fois et c’est le même choc. Je suis fasciné par la morphologie humaine et ma ville est devenue aussi exotique que ne l’était Nueva York à l’époque et c’est fabuleux.

Vous remarquerez ma ligne de dessin un peu folle, dû au papier presque glacé dont est fait mon petit livre accordéon. Ça glisse, sans retenue et avec les soubresauts du métro, c’est encore plus compliqué, en plus, que je dessine, la plupart du temps, debout caché dans un coin pour avoir une vue d’ensemble. Pour tout vous dire, j’attends, souvent, les arrêts pour dessiner les têtes de mes personnages en espérant que mon modèle ne descende pas avant que je lui aie mis un visage.


Je dois avouer que je trouve ces esquisses un peu étranges et je me suis même demandé à un moment si ma tumeur n’influençait pas mon art. Question qui restera toujours sans réponse. Il faut dire qu’à une autre époque, je les aurais retouchées beaucoup plus et je pense que je me laisse aller plus qu’avant et j’accepte plus librement les bizarreries que produit ma main.

MON FILS THOMAS À GAUCHE.
Et que dire du métro de Montréal : ni beau, ni accueillant, créé à la fin des années 1960, la période maudite dans les arts et le design, du béton mur à mur, gris ton sur ton et les rames au bleus délavés … 

Déprimant. Un métro qui vieillit très mal, je trouve. Un métro sur roue, « silencieux », mais, où on ne s’entend pas parler et qui tremble tellement que seul mon ami Alain (Massicotte) est capable d’y faire une ligne un peu contrôlée. 

On y trouve bien quelques œuvres d’art comme la verrière de Marcelle Ferron ou celle de Frédérick Back et la murale de Robert Lapalme, mais l’écrin est tellement moche qu’il est difficile d’en apprécier la beauté.

À SUIVRE, DANS LE MÉTRO DE NEW YORK



MON VIEIL AMI BRETT BARNT, AMÉRICAIN FRANCOPHILE, QUE J'AVAIS AUSSI DESSINÉ DANS LE MÉTRO DE NEW YORK, IL Y A LONGTEMPS