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Madame Bastien:" I m'ont envoyé dans la mauvaise salle, à c't'heure la, i m'ont déjà appelé".
Une autre patiente: "Ça s'peut tu, a juste à regarder sur son carton, c'est écrit". |
Il y a quelques semaines, avant
que le virus Ebola ne nous jette un seau d’eau glacée sur la tête, on ne
parlait que de la maladie de Lou-Gherig alias la sclérose latérale
amyotrophique, un nom aussi sexy que ma maladie à moi et j’ai lu un article sur
le sujet dans La Presse, qui m’a fait réfléchir. C’était l’histoire d’une dame,
une québécoise, en couple avec un américain. Ils allaient se séparer, mais le
monsieur est tombé malade, victime de la SLA.
La dame, avec son grand cœur, a
décidé de rester avec lui pour l’aider à traverser cette épreuve. Vous devinez
que ce ne fût pas comme un deuxième voyage de noce, plutôt le contraire. Il
faut comprendre que la vie du monsieur devait être difficile, imaginez :
garder sa tête, mais voir son corps se dissoudre, se disloquer, devenir prisonnier
de son enveloppe charnelle. Terrible! Je ne peux vous en dire plus, j’ai essayé
de retrouver l’article : impossible. Toujours est-il que le monsieur, à la
fin, a dit à la dame qui était resté avec lui jusque là, qu’elle l’avait laissé
tomber. Ou bien il voulait hâter sa fin en pensant qu’elle
l’étranglerait ou bien c’était un con. Bien non, ce n'était pas un con, seulement quelqu'un qui était dans la phase colère du deuil de sa petite personne, après vient l'acceptation et l'apaisement, parait-il.
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Madame Fulton: La penseuse de radio-oncho |
Ceci dit, peut être que je vais
devenir con moi-même, de mauvaises langues vous diront, peut être, que c'est déjà fait, mais qui sait quelle sorte de malade je ferai. Heureusement
pour moi, je vais perdre la mémoire, mais il se peut que ma maladie m'amène à dire des grossièretés,car, j’aurai quand même le temps de voir mon corps m’abandonner
et j’aurai le temps d’être en crisse contre le monde entier, ça m’arrive déjà
parfois, alors, imaginez.
Si je me fie au comportement de
mon père quand il était malade, le truc c’est : gentil avec tout le monde,
pas fin avec sa conjointe. Comme si ça prenait quelqu’un à tabasser
psychologiquement pour faire sortir les frustrations. D’autres sont simplement
pas fins avec tout le monde. J’ai récemment vu quelqu’un qui attendait sa dose de
chimio harceler sans cesse les pauvres infirmières : elles n’étaient pas
assez rapides ou assez efficaces à son goût. Il voulait sa dose tout de suite,
comme s’il avait eu un rendez-vous urgent. Et bien, son rendez-vous, il l’a eu,
il est mort depuis et bravos aux infirmières qui gardaient le sourire, même s’il
était un peu figé.
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"I' m'a dit bougez pas! J'étais en train de m'endormir. Ça m'a chatouillé". |
J’en ai connu un autre qui avait
eu une opération banale, mais pour qui c’était un long gémissement
interminable, c’était comme la fin du monde. Râle et râle, regardez comme je
souffre et les larmes par dessus ça. Aujourd’hui il gambade et trottine, mais imaginez
quand il sera vraiment malade.
D’un autre côté, il y a ma mère. Elle
s’est cassé une cheville vers ses quatre-vingt ans, elle a passé plus d’un mois
en réhabilitation à l’hôpital et je ne l’ai jamais entendu se plaindre. C’est
drôle, car elle pleure toujours, un rien l’émeut. À un autre moment, je l’ai vu passer à travers de grandes
douleurs arthritiques, sans dire un seul mot, les dentiers serrés.
Et vous, comment serez-vous,
difficile d’y répondre n’est-ce pas?
La conclusion de tout ça, c’est
que si vous n’avez pas une âme de sœur Teresa et que votre chum ou votre blonde
tombe malade d’une maladie terminale et que ça va déjà mal, sauvez-vous, allez
vous confesser et qu’on n’en parle plus. Je trouve qu’on ne devrait vivre en
couple qu’avec des gens en santé. Votre conjoint commence à puer de la gueule,
hop, à la trappe! Votre conjointe à des varices ou un peu trop de rides, même
chose. Soyons intolérant envers l’autre avant qu’il ne le soit envers nous
(humour noir).
Finalement, les dessins que vous
voyez sont de moi, bien sûr et ont été fait en 2013 pendant mes traitements. Je
vous ai dit que je ne dessinais plus, c’était un pieux mensonge, pour moi ne
pas dessiner veut dire faire moins de dix dessins par jour.
Par contre, maintenant que je suis devenu un malade spécial, on ne me fait plus attendre, donc plus de dessin. C'est, hop! j'arrive! et hop! la jaquette! et hop! on me zappe le cerveau. Quinze minutes et c'est terminé! Je suis certain que vous êtes tous jaloux.