dimanche 7 septembre 2014

ANNUS HORIBILIS (ÉPISODE 6)



Avant d’aller plus loin dans mes malheurs, j’allais oublier de vous parler de notre arrêt à Head-Smashed-in-Buffalo-Jump, qui vaut le détour pour l’histoire, plus que pour le site qui n’est en fait qu’une falaise où les autochtones poussaient les bisons à leur mort. Il faut préciser que c’est avant l’arrivée des chevaux et qu’il fallait connaître à fond les mœurs de ces bêtes pour pouvoir les diriger exactement à cet endroit précis. Il y a aussi un petit musée, avec petit film qui nous montre bien comment ça se déroulait.

L’ENFER

Bon, suite des malheurs de 2013, on vient de tomber en panne et je vois les montagnes si proches, mais maintenant, si lointaines. J'appelle la compagnie de location. Le type au téléphone semble penser que c'est le système électrique, je prie pour qu'il ait raison. Une remorqueuse viendra nous chercher ($$). On attend en se faisant brasser par les camions qui passent en sifflant.


Je ne sais pas à quel moment  j'ai été certain de mon erreur, de ma seconde d'inattention. Il me semblait qu'on ne pouvait pas mettre de l'essence normale dans un véhicule diesel parce que l'embouchure n'est pas la même. Ben non! Donc, retour à Calgary dans la cabine de la remorqueuse, par un beau soir d'été, au soleil couchant; tout à fait déprimant. Le monsieur nous laisse dans le stationnement du premier concessionnaire Chevrolet de Calgary, ce sera notre site de camping illégal et gratuit (quelle aubaine!) pour les prochains jours.

Chanceux comme je suis, on est samedi : ça veut dire pas de mécanicien avant lundi. On nous offre un hôtel à prix réduit, mais que diable, nous avons une maison sur roue, alors nous y resterons. Mais, nous essayerons de passer inaperçus, pour ne pas nous faire déloger par le gardien de sécurité qui passe à chaque nuit et qui pourrait s’avérer trop zélé. Il y a une gare d'autobus de l'autre côté de la rue et on y va pour nos petits et gros besoins, pour ne pas remplir trop vite notre réservoir d’eau noire. Si on ne le remplit pas, on n’a pas à le vider non plus et ça fait une tâche désagréable en moins.
L’environnement est absolument irréel, surtout la nuit avec les gros spots du parking et les autoroutes tout autour: quelles vacances mémorables. En tous cas, pas de grizzlys ici, mais l'humain est parfois pire. On est obligé de traverser quelques autoroutes pour arriver à un endroit plus sympathique de la ville, on visite encore un peu, on n'est pas si loin de ma brûlerie alors on y retourne pour un café, on reprend le Mont Royal, pour aller passer un peu de temps le long de la rivière Bow, on marche et on marche, c'est tout de même agréable. Il fait beau et chaud.

Finalement, le lundi arrive et après avoir espéré en vain, on nous confirme ce qu'on savait déjà : il faudra vider le réservoir ($) et jeter l'essence ($), tout nettoyer le moteur ($$) et remplir le réservoir avec le bon carburant cette fois ($) et ce ne sera pas prêt avant mardi. J’ai mal aux dents à force de grincer.

On revisite un peu la ville, mais le cœur n'y est plus, en plus, on ne veut pas trop s'éloigner, car on attend l'appel du concessionnaire. On lézarde dans un parc, on a l'air de sans-abris, tellement qu’on se fait accoster par des autochtones soûl qui me demandent si je suis le souteneur de mon fils.

Quand mes malheurs cesseront-ils? Bien sûr, ce sont des problèmes de riche, mais je ne le suis pas tant que ça et la coupe déborde. Quand je pense qu'on devrait être dans les montagnes. Heureusement, il nous reste encore quelques jours. En tous cas, c’est ce que je croyais, mais l’ai-je dit, on est en 2013!

Finalement, 1100$ et des poussières plus tard, on repart pour Banff où on s'installe au camping de Mount Tunnel. Tout se passe bien, j'étais déjà venu ici avec les enfants et j'en conservais de beaux souvenirs. Le lendemain, on monte Sulphur Mountain à pied, alors que les paresseux prennent le téléphérique. C'est toujours tellement meilleur de mériter sa vue. La randonnée est très agréable, mais infiniment moins sauvage qu'où nous étions il y a peu. Il faut dire « Hi! » à quelqu’un à tous les cent pieds. On est loin de nos montagnes sauvages, ça ressemble plus à une randonnée familiale qu’à une aventure; les restos et petits musées sont tout près, trop près.
Puis après deux jours de temps mitigé, le ciel va se mettre à pleurer sur nous et peut-être pour nous, et sans arrêt, pendant trois jours, avec à peine quelques arrêts pour laisser passer un arc-en-ciel. Si vous avez suivi les nouvelles à cette époque, vous aurez deviné que nous étions dans le déluge qui a emporté ponts et routes, et créé le chaos dans et autour de Calgary.

Après avoir été victime du pire carambolage de l'année sur la 20, me voilà pris dans le pire déluge au Canada de cette année-là. Le seul grand malheur où je ne serai pas présent, aura été le drame du lac Mégantic. Vous savez pourquoi? Parce que je serais mort à l'heure qu'il est, et le sort ou le bon Dieu ou appelez ça comme vous voudrez, ne veut pas me tuer, mais seulement m'écœurer beaucoup, peut-être pour pouvoir me béatifier à la fin, si je ne sacre pas trop.


Nous étions tout de même à l'abri dans notre camper à flanc de montagne, mais à part manger, on trouvait le temps un peu long. Heureusement, on pouvait au moins se rendre à Banff. On y a été pour visiter le
Buffalo Nations Museum, un lieu tout simple et sympathique sur les première nations et un autre au nom très canadien de Lieu historique national Cave and Basin, qui raconte la découverte des premières sources chaudes de la région.

On a été manger des sushis en se regardant le déluge à la télé, et goûter à la fameuse crème glacée de Cows, pas trop la misère quand même. Puis nous devions prendre l'avion pour revenir, mais impossible; Calgary n'est qu'à une heure de Banff mais il aurait fallu y aller à la nage ou en canot.
LE TYPE EN HAUT À GAUCHE, C'EST MOI
Billets d'avion égale argent, beaucoup d'argent s’il faut annuler et changer les dates. Heureusement, on a appris très vite après l'évènement que nous pouvions annuler et changer nos dates à volonté : situation d’urgence oblige. Alors, on a attendu que les routes soient rouvertes, on a bien essayé de sortir une  fois, mais il y avait un bouchon de voitures et de camions quasi immobiles qui faisait des kilomètres de long pour n’aller nulle part. On a rebroussé chemin à la première sortie.

On a aussi essayé de faire une petite randonnée, mais où nous passions à guai, quelques jours auparavant, c'était maintenant inondé et même mes bottes super étanches ont pris l'eau. Nous étions prisonniers! Qu'allions-nous faire? En plus qu'à la maison, qui n'était plus ma maison, m'attendait une blonde, qui n'était plus ma blonde, qui ne serait pas contente si je repoussais encore le déménagement et un déménageur, qui était encore mon déménageur, tant que je revenais à temps pour la date à laquelle je l'avais réservé, lui et son camion. Et finalement, une chienne sur le point d'accoucher et qui a, finalement, accouché la veille de mon retour, alors que j'aurais dû être là.

Pour ajouter à mon stress, on n'osait plus utiliser le véhicule, la lumière du moteur s'était allumée sur le tableau de bord et le tuyau d'échappement laissait échapper de magnifiques volutes de fumées noires nauséabondes. Mais je restais zen malgré tout, avec mon fils qui est (presque) toujours d'un calme olympien, j'ai l'impression que je pourrais traverser n'importe quelle épreuve. Nous avions parlé à plusieurs personnes de la compagnie de location du VR, qui ne nous avait pas tellement aidé, il y en avait même une qui m'avait franchement ri au nez quand je lui ai demandé si sa compagnie allait me rembourser quelque chose. Elle m'a simplement dit sur un ton moqueur : « c'est de votre faute! ».

Mais ce jour-là, on est tombé sur le bon conseiller. Il nous a d'abord dit que la lumière, si elle était orange et non rouge, c'était sans importance. Puis il nous a suggéré de prendre par le nord, petit détour de 600 km, mais qui nous permettrait de rejoindre l'aéroport qui, lui, fonctionnait normalement. Il était temps de s’en aller, car les épiceries de Banff ressemblaient de plus en plus à celle de l’époque soviétique, avec leurs rayonnages presque vides et l’absence de fruits et légumes frais.
 
REMARQUEZ LE MAGNIFIQUE TIMBRE DE SUZANNE DURANCEAU, JE N'AI EU QU'À COPIER LES COULEURS
On est parti tôt le 23 juin aux aurores et la lumière orange s’est éteinte presque tout de suite. Tout le temps que j’étais à Banff, je désirais aller au Lac Louise, mais j’avais trop peur de brûler le moteur ($$$$). Alors, comme on passait  à côté, on s’y est arrêté; je me souvenais d’une autre époque et de nos enfants se baignant dans les eaux glacées du lac en riant et du salon de thé au lac Agnes, au retour de notre randonnée. Après quelques minutes à rêvasser, on est reparti, on avait une longue route à faire. Trajet fort agréable sur la route 11, en direction de Red Deer, paysages majestueux où j'imagine passent bien peu de touristes comme nous. Une découverte!

Nous avons couché une nuit au camping de Sylvan lake, en chemin, puis direction Canadream, en quelque part près de l'aéroport de Calgary. Mais il nous faut trouver un lave-auto pour notre monstre, car je n'ai pas pris leur forfait tout inclus et j'aurais dû. On en trouve un, on lave et on savonne, mais, aussitôt qu’il sèche, il a l'air aussi sale qu’avant même si on a eu l'impression de travailler fort. Je suis certain qu’ils vont nous faire payer un autre lavage, mais au moins l'intérieur est propre. Finalement nous ne payerons pas pour ça, mais ils nous feront payer pour les kilomètres en trop ($), comme si j’avais eu le choix de faire ce détour. Je ne suis pas content, mais comme ils oublient le remorquage, je ne dis rien.

Pour des vacances pas chères, je pense que j'irai dans un hôtel cinq étoiles, la prochaine fois. Autre fait cocasse, si je puis dire c'est qu'il m’a semblé qu'un client sur deux arrivait avec la mine basse parce qu'il lui était arrivé un incident, genre miroir brisé ou tamponnage. Pas évident de conduire ces monstres qui peuvent être de la dimension d’un autobus quand on a l’habitude d’être au volant d’une voiture « normale ». Ce doit être lucratif, tout ces petits ajouts.

Finalement, nous partirons à l'heure prévue pour Montréal, mais avec tout ce qui m'attend, je ne peux pas dire que je respire la sérénité.

P.S. Je tiens ici à rendre hommage à mon fidèle IPHONE, car sans lui je ne sais pas ce que j’aurais fait, ça m’en aurait pris en maudit des trente sous pour faire tous les appels que j’ai eu à faire et merci à Martine de m’avoir « forcé » à l’acheter, moi qui suis réfractaire aux changements.

À suivre (oui, oui, il me reste quelques petits malheurs de 2013 à raconter!)
VUE DU LAC WATERTON, OEUVRE DE MON FILS THOMAS, IL A DU STYLE, QUAND MÊME!














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