mardi 15 juillet 2014

RÉPIT

SALLE D'ATTENTE CE MATIN

Le fil de crin de cheval qui tenait l'épée de Damoclès a tenu. J'en ai encore pour un petit bout de vie, semble-t-il. Il m'a même parlé d'un patient qui survivait depuis cinq ans à coups de chimio cinq jours par mois. Je ne comprends plus vraiment, puisqu'il me donnait de deux à quatre ans, mais comme il m'a remis le dossier de Monsieur Boivin à donner à la secrétaire, peut être que tout ce qu'il m'a dit concernait ce Monsieur et que même s'il m'a assuré que non, il est possible qu'il ne voulait pas perdre la face. C'est la deuxième fois qu'il me parle comme si j'étais quelqu'un d'autre.

Atocas, on ne s'en fera pas trop, ce n'est que ma vie dont il est question après tout. Je lui ai posé des questions sur les percées fabuleuses du Docteur Béliveau dans le traitement du cancer du cerveau. Il m'a dit qu'on n'en avait parlé que dans le Journal de Montréal, mais jamais dans des revues scientifiques ou au cours d'un de ses congrès. Bizarre!

samedi 12 juillet 2014

ICI ET MAINTENANT

L’ÉPÉE DE DAMOCLÈS
Comme vous le savez peut-être, je suis en attente du résultat d'un scan que j'ai passé, autour de la mi-avril et j'attends toujours. Le IRM cérébral allait servir à confirmer que ma tumeur reprenait du service et qu'il fallait que je retourne en chimio. Alors, j'ai laissé passer les heures et les jours et quelques temps après mon anniversaire, je me suis dit que j'irais aux nouvelles. J'appelle l'infirmière-pivot qui me dit que c'est à moi d'appeler pour un rendez vous après un tel examen. J'ai dû passer au moins 7 ou 8 résonances, et jamais je ne les ai appelés. Ils m'envoyaient une petite lettre me disant : vous avez rendez-vous avec le doc untel, telle heure, telle date.
Mais là, rien et si je ne les avais pas rappelé, imaginez! Si ma tumeur avait été active, j'aurais pu devenir aveugle ou paralysé avant qu'on ne me traite. Sauf qu'il ne m'est rien arrivé, pas encore, alors je ne peux même pas les poursuivre, mais qui sait d'ici à ce que je vois le doc, il me reste quelques jours.
Je dois avouer que ça m'avait vachement déprimé quand mon médecin m'avait annoncé la possible reprise des traitements, car plus les traitements sont rapprochés, plus ma vie risque d'être écourtée. À un moment donné la tumeur résiste à tous les assauts et, alors, bye, bye, la visite. Au début, je trouvais que 2 à 4 ans c'était long, mais il y a déjà un an et demi de passé. Alors je pourrais être mort d'ici à décembre : beau cadeau de Noël!
Les petites pilules qu’ils vont peut-être me donner ont beau être très jolies, elle te perturbe le body et le mental pas à peu près. Ou bien je me prends pour Superman ou pour un guenille de lavabo et le pire, j’en ai déjà parlé, c’est que tout goûte le « cartron », même le caviar d’espadon de l’Oural que j’aime tant.


VICKIE GENDREAU
Je ferme les yeux / J’ouvre les yeux
Je croyais bien être le premier à raconter ma mort en direct, mais quelqu’un m’a devancé, autant dans le récit que dans la mort. Elle s’appelle, s’appelait, Vickie Gendreau, elle est morte à 24 ans, en 2013, mon année maudite et la sienne aussi, apparemment.  Elle a publié au moins deux livres sur sa vie après qu’on lui eut trouvé une tumeur au cerveau. Le premier s’appelle « Testament ». Elle nous offre tous les secrets de sa vie, tous ces mots que d’ordinaire on tait par pudeur ou par peur de blesser. Un grand livre ouvert, à la fois sombre et lumineux : touchant.
Elle s’y dévoile sans fard, surtout quand elle parle de sa carrière de danseuse nue, un métier qui dit elle, lui plaisait beaucoup.
C’est cru, c’est dur, sans pitié. On peut avoir certaines difficulté à la suivre parfois, tellement l’écriture semble spontanée et impulsive, mais ça fait partie de son charme. En même temps, elle est d’une tendresse et d’une fragilité extrême et si je peux me permettre d’étaler mes connaissances scientifiques, je pense qu’on peut déceler dans son style, son débit, l’influence de mon ami le Décadron qu’elle n’avait pas le choix d’utiliser pour survivre un brin. 
Son deuxième bouquin a pour titre  « Drama Queens » et il est, disons, plus linéaire, moins touffu, moins tordu. Elle nous fait part de son quotidien face à la maladie avec, bien sûr, de nombreuses digressions, mais c’est lui qui m’a accroché en premier et qui m’a fait revenir au premier pour le décoder et en comprendre les nuances.
Après avoir lu tellement de littérature québécoise frauduleuse qui vous racontent le vécu de semi-adultes en chaleur, ou des histoires trop inventées pour qu’on puisse y croire, c’est tellement bon de pouvoir lire quelque chose d’aussi neuf et intrépide. Merci Vickie, on devrait s’en reparler bientôt. Et tu danseras pour moi!


Le lien vers son apparition à « Tout le monde en parle »



mercredi 2 juillet 2014

COMMENT DONNER UNE MALADIE VIRALE À DES CHIOTS




PHOTO DE MOI AVANT ET APRÈS MON ACCOUCHEMENT  ;-)
Avant de vous dire comment j’ai presque assassiné mes pidoux une deuxième fois, j’aimerais vous dire comment ça se passait au quotidien. Je vais d’abord vous reparler du caractère de Maya, qui est devenue quasi inapprochable aussitôt enceinte et mille fois pire, après l’accouchement. Quand j’avais des visiteurs qui venaient voir les petits, ça prenait à Maya quelques minutes pour laisser aller ses petits dans des bras d’étrangères, mais, pour les hommes, c’était presque mission impossible. Elle les aurait réduit en charpie. Même quand je la promenais dans la rue, elle grognait après tout le monde. Faut dire qu’elle venait de la lointaine banlieue, alors le choc de l’arrivée à Montréal a sûrement ajouté à son stress. On aurait dit que tous les sans abris du coin tenaient absolument à la caresser, mais ils se faisaient vite remettre à leur place.

Aujourd’hui, elle est moins agressive, sauf contre certains chiens. Je ne comprendrai d’ailleurs jamais comment elle choisit ses ennemis, question d’odeur j’imagine. C’est probablement pour ça qu’elle ne saute jamais sur les pitbulls et je la comprends.

A GAUCHE, MA PHOTO FAVORITE ET À DROITE MA PRÉFÉRÉE, ELLE PASSAIT SES JOURNÉES À ME REGARDER, COMME ICI, POUR QUE JE M'OCCUPE D'ELLE
Tout ça pour en venir à l’éducation de mes petits, je tenais à ce qu’ils aiment et apprécient les êtres humains. Je ne saurai jamais pourquoi Maya est si agressive, probablement que son père était un hyperactif perfectionniste et qu’elle s’est toujours sentie diminuée face à lui. Donc, j’étais là, avec eux presque 24 heures par jour, je jouais avec eux, presque quotidiennement je les prenais sur moi, je les mettais sur le dos, pour les soumettre, je leur caressais la tête et le bedon. Je voyais, déjà là, leur caractère, car certains se soumettaient facilement alors que d’autres se rebiffaient.

Ils jouaient beaucoup ensemble, bien sûr et je leur avais confectionné des jeux maison, pas cher. Il suffit de mettre une balle dans un bas (si il pue c’est encore mieux) et d’y faire un nœud : des heures de plaisir. Un autre jeu très aimé: je leur donnais une pomme qu’ils se disputaient et croquaient en même temps. Je ne sais si c’est la même chose pour les autres canidés, mais ma chienne adore les pommes et ses petits aussi.

LE SOMMEIL DES BIENHEUREUX 1

UNE AUTRE BIEN MAUVAISE BONNE IDÉE

Vous savez peut être que j'ai une sœur qui a un verger et une cidrerie (La Pommeraie du Suroît à Franklin) où vous êtes toujours les bienvenus et comme mes pidoux n'avaient jamais quitté la ville, ni même touché à du gazon, je me suis mis en tête de les amener à la campagne. C'était autour de la septième semaine, on m'en avait déjà pris deux, alors six petits, c'était déjà plus viable, mais ce fût quand même toute une expédition.

D'abord descendre la cage du troisième, l'installer à l'arrière de ma « van », descendre des panneaux de plastique et de la nourriture, puis les toutous, deux par deux et la maman. Une heure et quart plus tard, on arrive, les petits ont tous vomis leur déjeuner, mais ils sont en pleine forme. Je leur bâtis un petit enclos autour de la cage, sur le gazon, à l'ombre, mais, faut surveiller, car les inégalités du terrain créent de petites ouvertures et mes coquins en profitent toujours.

Bien sûr, comme on est en 2013, mon année "chanceuse", on voit apparaître un jeune raton laveur, visiblement malade. A-t-il la rage? Ma sœur et moi on ne s'y connait pas tellement en maladie animale. Par contre je sais qu'une bête qui a la rage est plutôt agressive, celle là, tout le contraire elle ressemble plutôt à quelqu'un en boisson : elle s'avance en titubant, tangue de l’avant vers l’arrière, elle semble même sourire. Le raton disparaît, finalement, mais revient une heure plus tard.

LA SÉANCE DE FLATTAGE DE BEDAINE

Ma sœur appelle le ministère de la faune, ils nous disent de le capturer. Facile à dire!  On prend un gros bac en plastique et quand il revient clopin-clopant, je lui mets le bac sur la tête. J'ai un peu peur tout de même, d'abord de sa réaction, puis de le blesser. Rien ne se passe, le raton ne bouge pas d’un poil dans sa boîte, preuve qu’il n’est vraiment pas dans un état normal. On met une pierre sur le bac et on attend.

Le monsieur de la faune arrive, il capture facilement l'animal inoffensif, puis nous dit qu'il est sûrement atteint de la maladie de Carré (du nom d’un vétérinaire Français, en anglais, c’est le « distemper »), une maladie virale très contagieuse qui peut tuer un chien non vacciné assez rapidement. Ça s’appelle même la maladie du chiot. Puis il se rend compte que j’ai six chiots, « non vacciné » avec moi.

Qu'est ce que je fais, j'appelle un vétérinaire et je les fais examiner? Non pas moi, vous vous rappelez, j'attends d'arriver au pont. Je lis sur internet qu'il y a une période d'incubation de trois semaines, mais je lis aussi que les chiots sont protégés par le vaccin que leur mère a reçu contre la maladie et qu’elle leur transmet dans son lait. Et je sais aussi que jamais le raton laveur ne s’est approché des petits et qu’il faut un contact d’assez près pour que l’infection se propage.

LE SOMMEIL DES BIENHEUREUX 2
Un an plus tard, je pense que j’ai fait le bon choix, tous mes ex chiots ont grandi en grâce et en beauté et j’ai épargné beaucoup d’angoisses à mes futurs propriétaires.


Puis, mes bébés sont partis un à un vers un monde que j’espère meilleur. Je suis encore en contact avec certains propriétaires et je sais qu’ils adorent leur chien. Maya, quant à elle, ne s’est rendue compte de rien, même quand son préféré, celui avec lequel elle jouait toujours, est parti. Mais moi. Sniff ! Sniff ! Ils me manquent encore.

FIN