ÉLECTROENCÉPHALOGRAMME
En sortant de ma visite chez mes neurologues, j’ai été
prendre un rendez-vous pour ce truc avec les électrodes, ah oui un
électroencéphalogramme. Je pense que je m’en souviens plus rapidement parce que
c’est un mot que je connais depuis plus longtemps. Surprise, la dame ne me dit
pas de revenir dans deux mois, même pas dans deux semaines, mais dans deux
jours. Je vous l’ai peut être déjà dit, mais, quand on a une
« vraie » maladie comme la mienne, on a un service hors pair. C’est
une blague, mais, je vous jure que je ne la ris pas. Je préférerais de beaucoup
attendre des heures à l’urgence pour n’importe quelle maladie que je pourrais
guérir avec une petite pilule ou une petite granule.
Donc, je me présente, j’attends cinq minutes, le temps
d’esquisser ma voisine d’en face et d’apprendre que mon voisin de gauche a le
bras droit paralysé et qu’il a eu toutes les difficultés du monde à se couper
les ongles ce matin-là. À présent que j’y pense, je me demande, comment il a
fait pour se couper les ongles de la main gauche avec sa main paralysée. Avec
sa bouche? Mystère!
J’entre dans la salle d’examen, on me fait étendre sur une chaise
et une jeune dame s’occupe de moi. Elle est en formation, qu’elle me dit, comme
celle chez le neuro. Elle mesure mon occiput dans tous les sens avec un ruban.
Je l’entends murmurer des chiffres qu’elle divise par deux pour trouver le
point médian, il me semble. Elle me marque au crayon gras en rouge. Après
vérification par sa supérieure, je
suis finalement prêt. Elle continue en me nettoyant un peu rudement le cuir
chevelu, je trouve, pour désinfecter et enlever le gras afin que les électrodes
tiennent bien, puis, elle me les pose sur la tête.
L’examen commence : je dois garder les yeux fermés,
mais elle me les fait ouvrir quasi aux deux minutes et refermer tout de suite.
Elle me demande d’essayer de fixer un point au centre de mon champ oculaire. À
un moment, je m’ennuie un peu, alors, je me fais des pensées érotiques :
je songe à ma belle blonde et à son corps merveilleux. Je me demande si les
deux dames qui observent l’écran s’en aperçoivent: aucune réaction. Je les entends parfois murmurer mais je
ne comprends pas ce qu’elles disent. J’essaie de ne pas penser à mon compte en
banque, j’imagine les ondes bêtas que ça produirait.
Puis, je m’assoupis un peu, mais par deux fois elles me
demanderont de respirer profondément et rapidement, pendant trois minutes :
hyperventilation assurée. Un peu pénible, mais, supportable et surtout
passager. Finalement, elle envoie des lumières stroboscopiques dans mes yeux
toujours fermés, ça ressemble à mes migraines ophtalmiques, c’est joli, ça
danse.
Puis, la jeune dame m’enlève tous les électrodes et elle
frotte énergiquement mon crâne, encore, pour faire disparaitre les traces de
crayon rouge. Je leur pose des questions qui restent sans réponse: c’est à mon
médecin d’évaluer les données recueillies. Ça a duré environ deux heures et
j’avais oublié de le préciser, mais je n’ai pas eu à m’affubler d’une jaquette
bleu poudre. Merci mon dieu! On se sent malade aussitôt qu’on enfile ce truc
affreux.
Voilà, j’attends maintenant un nouveau rendez-vous en
neurologie, pour connaître les résultats.
P.S. Je m’excuse pour ce long texte presque pas illustré de
dessins de mes ami(e)s de la salle d’attente, mais, comme je vous l’ai dit, je
reste là si peu longtemps, que j’ai à peine le temps de sortir mes stylos,
qu’on appelle mon nom.
Autre P.S. En fouillant sur le net, j’ai trouvé les raisons
pour lesquelles ces dames m’ont fait passer ce test. Elles cherchaient à
déclencher dans mon cerveau les anomalies qui peuvent amener une crise. Les
fortes respirations qui s’appellent « épreuve d’hyperpnée » et les
lumières stroboscopiques qui se nomment en réalité « stimulation lumineuse
intermittente » ne servaient qu'à m’agacer les neurones pour me perturber
le cortex. On verra si elles ont réussi.
J’ai aussi appris que les électros machins servent
presqu’uniquement à détecter l’épilepsie et donc je vais savoir bientôt si ce
que j’ai c’est bien ça et/ou l’ampleur de mon mal.
Fait plus cocasse: j’ai appris que beaucoup de personnes
très connues souffraient d’épilepsie dont Alexandre le Grand, Jules César et
Napoléon. Je me demandais si on leur avait enlevé leur permis de conduire leur
cheval? Car, ce qui me fait le plus peur, c’est de perdre le mien et mon
indépendance. Coup de vieux assuré! Je ne me sers pas beaucoup de ma bagnole,
mais, quand j’en ai besoin, pour sortir de Montréal, elle m’est un peu
nécessaire, disons. Et s' ils m’enlèvent le permis et me donnent des
médicaments, ça prend un an, sans crise, avant de le ravoir.
Il y a deux sortes de crise qu’on appelait à une époque le petit
mal et le grand mal. Le grand, c’est bien sûr le plus spectaculaire, avec la
personne en convulsion et tout et qui perturbe toutes les régions du cerveau.
Moi, c’est le petit qui m’affecte, car, il n’est limité qu’à une partie précise
du cerveau. Je n’ai que ces migraines dont je vous ai parlées et je ne savais
même pas, jusqu’à tout récemment, que c’était des crises d’épilepsie. Le mot
vient du grec « epilepsia » et signifie attaque.
Et cette maladie, qu’on appelait le grand mal, a aussi accablé
Jeanne d’Arc et ça n’a pas dû l’aider, dans ces temps obscurs, à ne pas passer
pour folle ou possédée.